Alors que les États-Unis critiquent vigoureusement la décision de l’Allemagne de classer le parti AfD comme « extrémiste de droite », dénonçant une atteinte à la démocratie, l’administration Trump applique à Haïti une mesure bien plus lourde de conséquences : l’inscription de plusieurs gangs armés haïtiens sur la liste des organisations terroristes. Deux poids, deux mesures ?
Le vice-président J.D. Vance a qualifié la décision allemande de « reconstruction symbolique du mur de Berlin », tandis que le gouvernement Trump accuse Berlin de vouloir « détruire » un mouvement politique arrivé deuxième aux dernières élections. Pourtant, dans le même temps, Washington n’a pas hésité à adopter une approche répressive radicale envers Haïti, sans consultation, sans dialogue, sans égard aux effets humanitaires.
Des élus américains, notamment Gregory Meeks et Sheila McCormick, ont exprimé leur vive inquiétude. Selon eux, cette classification risque de paralyser l’action des ONG et agences humanitaires dans un pays déjà à genoux. L’aide humanitaire, l’accès aux soins, à l’alimentation, aux transferts familiaux sont directement menacés.
Les conséquences sont déjà tangibles : plusieurs programmes vitaux, dont celui destiné aux personnes vivant avec le VIH, sont en voie de démantèlement, faute de financement.
Et l’économie parallèle de la diaspora est en danger. Vanda Felbab-Brown, chercheuse à la Brookings Institution, alerte sur le risque que les banques. Elle a mis en garde contre un possible retrait des opérateurs de transferts comme Western Union, craignant des sanctions, comme l’a rapporté le Miami Herald.
À ce stade, une question centrale se pose : qu’a donc Donald Trump à faire d’Haïti ?
Et pourtant, dans ce contexte, les autorités haïtiennes restent silencieuses. Aucun mot, aucune position, aucune stratégie face à une décision étrangère qui affecte directement la population. Ce mutisme est d’autant plus troublant que cette mesure a été prise par un pays dont les armes et munitions — passant souvent par la République dominicaine, allié stratégique des Américains — nourrissent les gangs aujourd’hui désignés comme terroristes.
À cela s’ajoute l’ironie cruelle d’une administration Trump dont le président a jadis qualifié Haïti de « shithole country ». Le mépris affiché n’est pas nouveau. Rappelons aussi les propos humiliants tenus par J.D. Vance sur les Haïtiens supposément « mangeurs d’animaux domestiques » durant sa campagne.
Les États-Unis, prompts à défendre la démocratie allemande face à une décision jugée trop sévère à l’égard d’un parti politique controversé, n’ont pourtant jamais pris la peine d’alerter officiellement les autorités haïtiennes sur les risques sécuritaires qu’ils attribuent désormais à leur pays. Les discussions ont eu lieu avec les partenaires régionaux, mais jamais avec ceux que Washington a contribué à imposer à la tête d’Haïti.
Même la Chine, au Conseil de sécurité de l’ONU, a rappelé l’incohérence de la position américaine, pointant du doigt sa responsabilité historique et présente dans la crise haïtienne.
Comment ne pas faire le parallèle entre la prudence américaine face à une décision allemande jugée répressive, et la brutalité de mesures imposées à Haïti sans consultation, sans débat, et sans égard pour les conséquences humaines ?
Face à une telle asymétrie de traitement, comment un Haïtien pourrait-il rester indifférent ?
La rédaction