La République dominicaine, nouveau pivot régional dans la stratégie américaine
Le président dominicain Luis Abinader et le secrétaire d’État américain Marco Rubio ont échangé une nouvelle fois par téléphone, réaffirmant la solidité des relations bilatérales entre Washington et Saint-Domingue. Au cœur de cette conversation : la sécurité régionale, la lutte contre la migration irrégulière, et la coopération économique, notamment dans les domaines de l’énergie et de la stabilité régionale. Ce dialogue stratégique, survenu à peine trois mois après la visite de Rubio en République dominicaine, témoigne d’un renforcement actif du partenariat entre les deux nations, dans un contexte géopolitique tendu.
La République dominicaine, bras avancé de Washington dans la Caraïbe
Marco Rubio, figure de l’aile conservatrice américaine et proche de longue date des milieux dominicains, assume pleinement ses priorités dans la région : contenir l’immigration illégale, stabiliser la zone caraïbe et freiner l’influence grandissante du Parti communiste chinois. Lors de sa tournée diplomatique en Jamaïque, au Guyana et au Suriname en mars dernier, il déclarait :
« 13, 14 ou 15 millions de personnes sont entrées illégalement aux États-Unis ces dernières années. Ce n’est pas que nous ne compatissions pas avec ceux qui fuient des situations difficiles, mais aucune société ne peut absorber une immigration massive. »
Dans ce contexte, la République dominicaine apparaît comme un rempart stratégique : elle surveille les flux migratoires haïtiens, tout en consolidant les liens diplomatiques et économiques entre Washington et la Caraïbe.
Une voix haïtienne absente au milieu des grandes manœuvres
L’absence de position officielle haïtienne dans ces échanges interroge. Lors de la rencontre en Jamaïque à laquelle participait pourtant Fritz Alphonse Jean, représentant du Conseil présidentiel de transition, aucun compte rendu n’a été communiqué au public. Ce silence, dans un moment aussi critique, renforce l’impression d’une marginalisation diplomatique d’Haïti, désormais réduite à un sujet de négociation entre acteurs régionaux, sans représentation active.
Une politique migratoire de plus en plus coordonnée… contre les Haïtiens
Les 15 mesures adoptées par le président Abinader pour endiguer la migration haïtienne irrégulière ont reçu un soutien implicite de Washington. Dans le même temps, les États-Unis poursuivent leur programme de déportation vers Haïti malgré les mises en garde des organisations humanitaires. Cette coordination migratoire renforce les liens entre les deux pays, mais accentue la pression sur une population haïtienne déjà vulnérable.
Terrorisme : le verrouillage sécuritaire se resserre
Dernier signal fort de cette convergence : la République dominicaine et les États-Unis ont récemment classifié plusieurs groupes armés comme « organisations terroristes ». Après le décret d’Abinader, Washington a inscrit Viv Ansanm et Gran Grif sur sa liste officielle des groupes terroristes étrangers. Une désignation aux conséquences redoutables : gel d’avoirs, restrictions financières, poursuites judiciaires à l’échelle internationale, et isolement accru.
Si ce front commun vise officiellement à contenir les violences, il soulève de sérieuses inquiétudes. Des ONG dénoncent les effets collatéraux sur les civils et l’aide humanitaire. En criminalisant certains quartiers ou groupes, ces mesures risquent de provoquer des représailles, de bloquer l’assistance humanitaire, et d’ouvrir la voie à des interventions sécuritaires sans mandat local.
Une crise régionale dont Haïti reste l’otage muet
À mesure que la coopération entre Saint-Domingue et Washington s’intensifie, la République dominicaine s’impose comme l’interlocuteur central de la stratégie américaine dans la Caraïbe. Pendant ce temps, Haïti, frappé par les violences et le vide institutionnel, semble relégué au rang de spectateur d’une crise dont il est pourtant le principal théâtre. L’absence de position claire de ses dirigeants aggrave encore son isolement.
Dans ce jeu d’alliances régionales où se dessine un nouvel ordre sécuritaire, Haïti risque d’être davantage géré depuis l’extérieur que représenté depuis l’intérieur.
La rédaction