Port-au-Prince, 20 juin 2025 – Face à l’effondrement progressif de la production nationale d’œufs et de volailles, l’État haïtien veut montrer un engagement à redresser un secteur avicole. Ce vendredi, le Conseiller-Président Leslie Voltaire, accompagné des ministres de l’Économie, du Commerce et de l’Agriculture, a rencontré plusieurs producteurs avicoles dans le cadre d’un suivi stratégique initié le 20 mai dernier.
Selon le communiqué de la Présidence, plusieurs décisions ont été adoptées, dont:
- La prise en compte de l’appui à la filière avicole dans la formulation du budget du Ministère de l’Agriculture ;
- L’octroi de ressources additionnelles au secteur par le Ministère de l’Économie et des Finances ;
- L’encouragement, par le Ministère du Commerce et de l’Industrie, du regroupement des acteurs intervenant dans la filière avicole pour qu’ils puissent bénéficier des avantages incitatifs ;
- Le lancement d’une étude pour repenser les droits et taxes imposés au secteur agricole a été proposée.
Cependant, la présidence n’a pas communiqué les noms des représentants du secteur présents à la réunion.
Selon les dernières informations, la réalité du marché reste alarmante. Haïti consomme environ 432 millions d’œufs par an, dont près de 365 millions sont importés quotidiennement depuis la République dominicaine – soit environ 1 million d’œufs par jour. En comparaison, la production locale annuelle ne dépasse pas :
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12 millions d’œufs issus d’élevages modernes,
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et environ 60 millions produits de manière traditionnelle.
Autrement dit, près de 87 % des œufs consommés en Haïti proviennent de l’extérieur, principalement du pays voisin.
À titre de comparaison, selon le média Dominican Today en Avril 2025, la République dominicaine affiche une autosuffisance impressionnante :
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3,95 milliards d’œufs produits chaque année,
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750 000 poulets abattus par jour,
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et 60 millions d’œufs exportés chaque mois, notamment vers Haïti et Cuba.
La province de Monte Plata à elle seule expédie 250 000 poulets par jour, illustrant la puissance de l’industrie avicole dominicaine.
Sur le plan national, plusieurs entreprises ont mis la clé sous la porte, à l’image de Haiti Broilers, autrefois fleuron du secteur. D’autres, comme la Petite Ferme à Bon-Repos, ont réduit drastiquement leur capacité, passant de 100 000 pondeuses à moins de 10 000.
Dans ce paysage morose, la ferme de Youri Latortue, à Léogâne, fait figure d’exception : elle maintient ses activités avec près de 20 000 poussins par bâtiment, malgré les difficultés économiques et l’insécurité.
Mais un obstacle persiste : la méfiance généralisée envers les dispositifs de soutien public. En cause, la crainte d’être épinglé par l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) en cas de prêt ou de subvention publique. Ce climat de suspicion freine l’accès au crédit, pourtant essentiel pour moderniser les installations et relancer la productivité.
Ce n’est pas la première fois que les autorités tentent de stimuler la production nationale. Sous la présidence de René Préval, un projet ambitieux de 300 millions d’œufs produits par an avait été lancé, mais les résultats n’ont jamais été pleinement atteints.
Aujourd’hui, l’enjeu reste le même : structurer durablement la filière, créer de la valeur locale, et rétablir un certain équilibre face à la domination dominicaine.
La rédaction