En septembre 2024, Le Quotidien 509 a relayé la prise de position d’un collectif de citoyens engagés, soucieux de faire entendre une voix lucide et vigilante au sujet de la Conférence Nationale annoncée. Alors que les débats institutionnels s’intensifient à l’approche des grandes échéances, notre rédaction rappelle aujourd’hui ce texte fondamental, enrichi de rappels historiques et de précisions politiques essentielles, pour nourrir un débat public encore trop fragile.
Une conférence nationale à ne pas banaliser
Le décret du 17 juillet 2024 instituant la Conférence nationale a été promulgué par les autorités de transition installées après la chute précipitée du gouvernement du Dr Ariel Henry. Si ce texte devait inaugurer une nouvelle ère démocratique, il n’a pourtant suscité que peu d’écho dans la presse, ni d’analyse critique approfondie chez les juristes, les partis politiques restés en marge du pouvoir ou les organisations socioprofessionnelles. Ce silence général illustre une inquiétante déconnexion entre les décisions politiques majeures et les forces vives de la nation dénonce le groupe.
Or, pour que cette Conférence nationale soit légitime et réellement porteuse de changements, elle doit d’abord être précédée d’un accord politique inclusif – sans exclusive – réunissant l’ensemble des acteurs concernés. Faute de quoi, l’initiative risque fort d’être vidée de sa substance, réduite à un exercice symbolique sans effet structurant.
Leçons d’Histoire : de Bois Caïman à l’Arcahaie
Dans les moments de tournant historique, l’Haïti des origines a toujours su mobiliser ses forces autour de causes collectives. En 1791, l’insurrection de Bois Caïman ouvrait la voie à l’abolition de l’esclavage, avant que le Congrès de l’Arcahaie en 1803 ne pose les jalons de l’Indépendance. Ces rendez-vous fondateurs avaient une caractéristique commune : ils étaient souverains, enracinés dans la volonté populaire et exempts de toute manœuvre d’exclusion.
En s’inspirant de ces jalons historiques, la Conférence nationale de 2024-2025 ne saurait être une formalité technique, ni un arrangement en petit comité sous pilotage international. Elle doit se fonder sur un dialogue national franc, ouvert et sincère, avec la participation effective des forces politiques, économiques, sociales et culturelles du pays.
Recommandations majeures produites par le groupe
1. Rompre avec la logique du vase clos
Dans ce contexte de confusion politique, agir sans concertation avec les avant-gardistes, les partis politiques autonomes et les corps intermédiaires est une erreur stratégique. Une gouvernance démocratique requiert non seulement des compétences techniques, mais aussi une intégrité morale, une vision partagée et un attachement réel à l’intérêt général.
2. Ne pas mettre la charrue avant les bœufs
Le comité de pilotage proposé par le CPT et le gouvernement de transition pourrait précipiter une démarche incomplète et mal préparée. Sans consensus préalable ni balisage rigoureux des enjeux, ce comité risque de répéter les erreurs de 1986-1990 (piste politique manquée) et de 2008-2011 (opportunités économiques gâchées).
Les réformes à venir toucheront des piliers fondamentaux de la société haïtienne pour les décennies à venir. Il faut donc sortir du cercle fermé des alliances institutionnelles opportunistes et assurer une synergie constructive avec les composantes exclues de la société civile et de la diaspora.
à lire ici le document :
Prise de position publique autour du programme de Conférence nationale – « avant la lettre »
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Souvent, les hauts dignitaires de l’État peinent à collaborer avec les forces politiques et les organisations de la société civile en vue de soutenir les idées novatrices et les actions nécessaires. Cette absence de collaboration freine l’accélération des réformes positives et complique la lutte contre les intérêts économiques nuisibles, qui continuent d’appauvrir la société et de compromettre sa survie. Nous pensons qu’il est impératif d’améliorer cette synergie pour garantir un avenir plus prometteur et durable pour Haïti.
Pour garantir la réussite de la Conférence Nationale et résoudre les différends, il est essentiel que le décret soit précédé d’un accord politique réunissant tous les acteurs et opérateurs politiques, sans aucune exclusive.
Sous l’autorité du Comité de pilotage instauré par le décret, il est improbable que nous obtenions une Conférence Nationale véritablement souveraine compte tenu que l’initiative de cette conférence émane du pouvoir en place, qui a été façonné par la Caricom dans un contexte de discrimination où certaines forces politiques ont été exclues.
Bien que l’idée d’une Conférence Nationale soit louable, celle proposée par le décret est de nature exclusiviste et compromet déjà son succès. Cette démarche sous-entend une volonté de révision constitutionnelle, ce qui nécessite un consensus étendu et la mise en veilleuse temporaire de la constitution en vigueur. Sans cela, il y aura un conflit majeur entre le nouveau texte proposé et la constitution actuelle, qui interdit le référendum.