À 50 kilomètres au nord-ouest des Gonaïves, dans la deuxième section communale d’Anse-Rouge, se trouvent six sources thermales naturelles nichées dans un cadre montagneux et boisé. Ce lieu, connu sous le nom de Sources Chaudes d’Anse-Rouge, devrait rayonner dans les brochures touristiques d’Haïti. Et pourtant, il est laissé dans un état de désolation révoltant, ignoré par les autorités, oublié par la République.
Un potentiel mondialement reconnu, localement ignoré
Partout dans le monde, les sources thermales sont valorisées comme attractions touristiques majeures. Captées en bassin ou transformées en spa, elles attirent une clientèle en quête de bien-être et de thérapie naturelle. Ces eaux, issues d’une activité géothermique, sont réputées pour soulager les douleurs articulaires, réduire le stress et favoriser la détente mentale.
À Anse-Rouge, il faut venir avec ses propres outils pour nettoyer l’espace avant même de s’asseoir.
« Si quelqu’un décide de s’y baigner ou de pique-niquer en famille, il doit apporter de quoi nettoyer pour pouvoir s’installer », déplore un habitant local.
La zone est laissée à l’abandon. La mairie se dit impuissante, faute de soutien de l’État central. L’ancienne caserne voisine, ancien bien public, est désormais privatisée et barricadée, sans bénéfice communautaire.
Les ministères du Tourisme et de la Culture absents du débat
Aucun projet ni intention de développement des Sources Chaudes n’est à l’ordre du jour. Une situation qui en dit long sur le manque de vision stratégique des autorités en matière de tourisme durable et de préservation culturelle.
En 2014, dans le cadre du carnaval national délocalisé aux Gonaïves sous l’administration Martelly, des promesses avaient été faites. L’ex-ministre du Tourisme, Stéphanie Balmir Villedrouin, avait annoncé la réhabilitation du site et la réfection de la route Gonaïves-Anse-Rouge. Dix ans plus tard ? Rien. Aucun projet. Aucun suivi. Silence radio.
Le ministère du Tourisme a purement et simplement effacé ce site de sa planification. L’argent dépensé.
Une route en terre… d’oubli
L’accès aux Sources est poussiéreux, pénible, délaissé, mais il n’empêche pas les plus déterminés d’y aller, attirés par les vertus thérapeutiques de l’eau. Le chemin traverse des salines artisanales, témoins d’un savoir ancestral que personne ne valorise.
Un contraste choquant avec les dépenses inutiles
Le contraste est saisissant. Récemment, le ministère de la Culture a dépensé une somme colossale pour accueillir le président colombien Gustavo Petro à Jacmel, sans que l’on sache aujourd’hui quelles ont été les retombées concrètes de cette visite. Pendant ce temps, les zones à haut potentiel comme Anse-Rouge sont abandonnées, livrées à la nature, sans entretien, sans promotion, sans projet.
Pourtant, chaque année, notamment à Pâques, les Sources attirent des pèlerins pour des bains de purification spirituelle. Ce lieu aurait pu devenir un centre de tourisme culturel et religieux, un moteur de développement local.
Un état d’urgence… contre le tourisme ?
Alors que 85 % du département de l’Ouest, y compris Port-au-Prince, est sous le contrôle de gangs armés selon les Nations unies — tout comme plusieurs communes de l’Artibonite (Liancourt, Savien, Petite-Rivière) et de la région du Centre (notamment Mirebalais) — une grande partie du territoire national demeure pourtant stable, sécuritaire et ouverte à l’activité touristique.
Mais au lieu d’une approche ciblée, l’État haïtien a opté pour un état d’urgence généralisé, pénalisant même les zones encore viables, où des projets touristiques et de développement pourraient renaître et soutenir les économies locales.
« Haïti a 10 départements. Pourquoi punir ceux qui résistent encore à l’insécurité ? »
C’est une erreur stratégique, un blocage administratif à corriger de toute urgence, si l’on veut réellement soutenir le tourisme local et communautaire.
L’État doit agir. Maintenant.
Les Sources Chaudes d’Anse-Rouge pourraient devenir un modèle de tourisme écologique, thérapeutique et culturel. Mais cela exige vision, créativité, leadership — trois choses dont le pays manque cruellement au niveau ministériel.
Haïti a les atouts, mais manque cruellement de volonté. Il ne s’agit pas uniquement d’infrastructures, mais de vision, de cohérence et de respect pour les territoires oubliés.
Ce qu’il manque, c’est le courage de s’en occuper.
Le ministre du Tourisme, John Herrick Dessources et le ministre de la Culture Patrick Delatour ont-ils du courage !
La rédaction
