Alors que la République d’Haïti se prépare difficilement à des élections censées restaurer l’ordre constitutionnel, les troupes kényanes déployées dans le cadre de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MSS) ont été placées en état d’alerte maximale. Selon des médias kényans, cette décision fait suite à des informations selon lesquelles une coalition de gangs armés envisagerait de s’emparer du pouvoir et de forcer un changement de gouvernance.
Soutien américain à la mission kényane et à la CARICOM
Cette montée de tension intervient alors que le gouvernement des États-Unis, sous la présidence de Donald Trump, a réaffirmé son soutien à la mission dirigée par le Kenya. Dans un communiqué publié le dimanche 13 avril 2025, le Département d’État a réitéré son appui aux efforts de stabilisation en Haïti. La déclaration souligne également l’adhésion américaine au communiqué de la CARICOM, qui condamne fermement les tentatives de déstabilisation :
« À la suite de discussions entre le Secrétaire et le Secrétaire adjoint d’État avec la Première ministre de la Barbade et présidente en exercice de la CARICOM, Mia Mottley, les États-Unis soutiennent la déclaration de la CARICOM condamnant toute action visant à déstabiliser le Conseil présidentiel de transition haïtien. »
Condoléances officielles et inquiétudes sur le terrain
Dans un communiqué publié le 10 avril 2025 sur X (anciennement Twitter), la mission multinationale a présenté ses condoléances à la Police nationale d’Haïti (PNH) et au peuple haïtien, après deux incidents tragiques ayant coûté la vie à trois agents de la PNH. La mission a également exprimé son inquiétude concernant l’officier kényan Benedict Kabiru, toujours porté disparu, et espère qu’il est sain et sauf, « quelles que soient les circonstances actuelles ».
Derrière ce ton diplomatique, certains y voient un reproche voilé adressé aux partenaires internationaux, accusés de ne pas apporter suffisamment de soutien.
Des tensions internes au sein des troupes kényanes
Selon une enquête d’AyiboPost, plusieurs officiers kényans interrogés sous couvert d’anonymat dénoncent de graves dysfonctionnements internes à la mission :
- Conditions de travail difficiles, équipements inadaptés, absence de couverture aérienne.
- Inégalités de traitement entre les agents, avec favoritisme dans l’affectation des missions.
- Stratégies opérationnelles jugées incohérentes, avec une dispersion des troupes sur plusieurs fronts sans soutien suffisant.
- Des décisions de commandement risquées, comme le redéploiement vers Pont-Sondé ou Pétion-Ville, alors que les abords de l’aéroport international restent contrôlés par des gangs.
Un officier résume la situation :
« Tout dépend de qui tu connais. Certains évitent les opérations et bénéficient d’un traitement préférentiel. »
Un leadership contesté et des résultats limités
Les critiques des soldats ciblent aussi une forme de désorganisation dans le commandement de la mission. Plusieurs opérations auraient échoué faute de coordination et de moyens. Les zones sensibles restent hors de contrôle, et les objectifs de sécurisation stagnent. Les bandits attaquent les zones proches du camp de la mission notamment Tabarre et route de l’aéroport.
Conclusion : une mission fragilisée, une population en attente
Alors que les menaces contre la transition haïtienne se multiplient, la mission kényane apparaît de plus en plus isolée, tant sur le plan logistique qu’humain. Si le soutien des États-Unis et de la CARICOM reste officiel, les difficultés concrètes sur le terrain et les tensions internes fragilisent la crédibilité de l’intervention.
Le peuple haïtien, pris en étau entre les violences, l’instabilité politique et l’inefficacité des forces étrangères, attend toujours des résultats tangibles.
La rédaction