Roseau, Dominique – 28 mai 2025 – Alors que la crise sécuritaire et politique en Haïti continue de s’aggraver, le Premier ministre de la Dominique, Roosevelt Skerrit, s’est prononcé le lundi 26 Mai en faveur d’un dialogue direct avec les chefs de gangs haïtiens. Une position qui suscite déjà débats au sein de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) et au-delà.
« Il faut ouvrir le dialogue, même avec les chefs de gangs, si l’on veut une paix durable en Haïti », a déclaré M. Skerrit lors d’un point de presse à Roseau, capitale de la Dominique. Selon lui, ignorer les acteurs armés qui contrôlent une grande partie du territoire haïtien revient à tourner le dos à la réalité du terrain.
« Tant qu’on ne parle pas avec eux, ils continueront à agir comme un gouvernement parallèle dans les ghettos. Il faut leur offrir une porte de sortie. Et si elle est refusée, alors on agit. C’est aussi simple que cela », a déclaré M. Skerrit lors d’une conférence de presse.
La mission multinationale est composée d’au moins 800 policiers kényans depuis juin 2024, avec les autres Nations elle compte environ 1100 personnes. Elle est censée soutenir la Police nationale d’Haïti (PNH) dans sa lutte contre les groupes armés.
Mais pour Roosevelt Skerrit, l’intervention militaire ne suffira pas à restaurer la paix. Il prévient :
« Les sanctions ne changeront pas l’attitude des chefs de gangs. Les laisser à eux-mêmes et envoyer des drones pour les éliminer ne fera qu’aggraver la situation. »
Le Premier ministre dominiquais appelle à une approche plus nuancée, s’inspirant notamment de la réussite relative du processus de paix en Colombie, qui a vu l’intégration d’anciens membres des FARC – autrefois désignés comme terroristes – au sein du Parlement et du gouvernement colombien.
« En Colombie, les anciens rebelles sont aujourd’hui parlementaires. Pourquoi ne pas envisager un processus similaire avec les gangs haïtiens ? »
Roosevelt Skerrit a également révélé qu’au cours de son mandat à la présidence de la CARICOM, il avait approché le gouvernement norvégien pour explorer une médiation. La Norvège, qui avait joué un rôle clé dans les pourparlers de paix colombiens, se serait dite prête à soutenir une initiative de dialogue en Haïti, en offrant un cadre et des ressources.
« J’étais même prêt à me rendre moi-même en Haïti pour prendre part aux discussions avec les gangs », a-t-il affirmé.
Skerrit a tenu à souligner que sa position n’engageait pas officiellement la CARICOM. Toutefois, il considère que les gangs font désormais partie intégrante du tissu social haïtien, en raison de l’effondrement des structures étatiques.
« Ces groupes armés remplissent des fonctions qu’un État devrait assurer. Si on ignore cette réalité, on les laisse devenir un gouvernement de facto. »
Le chef du gouvernement dominiquais affirme que la recherche de solutions « uniquement militaires ou politiques » ne suffira pas. Il appelle à une approche plus inclusive, combinant efforts diplomatiques, sécuritaires et discussions communautaires, y compris avec les chefs de groupes armés.
« Ce n’est peut-être pas une option populaire, mais c’est peut-être celle qui nous rapprochera d’une forme de stabilité », a-t-il précisé.
Mais l’appel au dialogue lancé par Roosevelt Skerrit se heurte à une réalité complexe : les États-Unis ont récemment classé plusieurs gangs haïtiens comme organisations terroristes, limitant les marges de manœuvre diplomatiques. Parallèlement, le Conseil présidentiel de transition semble discrètement entretenir des liens avec la Colombie. Entre diplomatie pragmatique et exigence de justice, Haïti est à la croisée des chemins..
Avec Caribbean national Weekly