Paris, 5 juin 2025 — L’Assemblée nationale française a adopté ce jeudi une résolution historique reconnaissant l’injustice de la dette imposée à Haïti en 1825, deux décennies après son indépendance. Le texte, défendu par le député Marcellin Nadeau (GDR), appelle à initier un processus de justice réparatrice, dans la continuité des mobilisations menées par la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage (FME).
Une injustice reconnue 200 ans plus tard
Imposée par une ordonnance signée par le roi Charles X le 17 avril 1825, cette dette s’élevait à 150 millions de francs-or – l’équivalent de dix fois le PIB haïtien de l’époque. Ce paiement devait, selon la France, « compenser » les colons français pour la perte de leurs plantations et esclaves après l’indépendance d’Haïti en 1804. Pour s’en acquitter, Haïti a été contrainte de s’endetter lourdement auprès de banques françaises, notamment avec l’intermédiaire de la Caisse des Dépôts, jusqu’en 1883. Le remboursement des intérêts s’est poursuivi jusqu’en 1924.
Un poids financier qui a asphyxié l’économie haïtienne pendant un siècle et que plusieurs historiens qualifient de « premier acte néocolonial » de l’histoire moderne.
Un débat parlementaire nourri, des opinions divergentes
La résolution a donné lieu à des échanges soutenus au sein de l’hémicycle. Le député Nadeau a rendu hommage au travail de la FME et à sa Note sur la double dette publiée en février dernier. Il a souligné l’impact durable de cette spoliation sur le développement d’Haïti.
D’autres députés de la gauche ont appuyé l’idée d’une réparation, tant symbolique que financière, et d’un partenariat franco-haïtien basé sur le respect et l’équité. Gabrielle Cathala (GDR) a notamment interrogé Olivier Sichel, directeur par intérim de la Caisse des Dépôts, sur la part de responsabilité de l’institution, historiquement impliquée dans la gestion de cette dette.
Des voix discordantes se sont cependant fait entendre. Emeric Salmon (RN) a dénoncé un « anachronisme historique » et alerté sur les conséquences diplomatiques d’un tel précédent. D’autres, comme Daniel Labaronne (EPR), ont reconnu l’injustice tout en insistant sur les actions actuelles de la France à travers l’Agence Française de Développement (AFD), active en Haïti à hauteur de 160 millions d’euros.
Vers une commission indépendante de réparation
La résolution invite le gouvernement français à :
- reconnaître solennellement l’injustice de 1825 ;
- envisager les conséquences économiques et sociales à long terme ;
- mettre en place une commission indépendante chargée d’étudier les formes possibles de réparation (financière, symbolique, mémorielle).
Ce vote intervient quelques semaines après l’annonce par Emmanuel Macron de la création d’une commission franco-haïtienne, à l’occasion du bicentenaire de l’ordonnance de Charles X.
Une étape décisive pour la mémoire et l’avenir
Pour la FME, par la voix de son président Jean-Marc Ayrault, il est désormais temps que des institutions comme la Caisse des Dépôts participent pleinement à cette dynamique. « La France ne peut pas ignorer plus longtemps sa responsabilité historique », a-t-il déclaré dans un discours prononcé à Brest en mai dernier.
L’adoption de cette résolution marque une avancée significative dans les relations franco-haïtiennes. Elle ouvre la voie à une reconnaissance officielle du préjudice subi par le peuple haïtien, et à une nouvelle étape de coopération équitable, fondée sur la vérité historique.
La rédaction
🔗 : liens pour Mémoire
- Le texte de la résolution votée
- La Note de la FME sur la double dette d’Haïti (février 2025)
- Intervention de Gabrielle Cathala à la Commission des finances (vidéo)
- L’ordonnance de Charles X du 17 avril 1825
- Discours de Jean-Marc Ayrault à Brest (10 mai 2025)
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France-Haïti : Qui assure le suivi de la réparation de la dette de l’indépendance