Pétion-Ville, 6 mai 2025 – Dans le cadre du Programme National de Compensation des Apprentissages, le ministre de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP), Augustin Antoine, a visité le 3 mai deux établissements scolaires à Pétion-Ville : le Lycée National et l’École République du Guatemala. Cette opération de communication vise à rassurer l’opinion sur les efforts du gouvernement pour accompagner les quelque 200 000 élèves des classes d’examen, affectés par une année scolaire 2024-2025 gravement perturbée.
Le programme, lancé le 12 avril dernier, mobilise plus de 3 000 enseignants et prévoit l’ouverture de dix nouvelles salles de classe. Des collations ont même été promises aux élèves suivant les cours intensifs, une initiative accueillie positivement dans les rares zones encore relativement stables.
Mais pendant que le ministre parade dans les établissements encore debout, de nombreuses écoles ferment leurs portes sous la pression des gangs. Selon l’agence Onusienne OCHA, 900 écoles ont dû fermer leur porte en 2024. L’insécurité généralisée, que le ministère refuse de nommer et d’assumer, continue de saper les fondements même du droit à l’éducation. Le silence du MENFP face aux territoires perdus et aux centaines d’écoles inaccessibles laisse un goût amer. Quelle stratégie réelle le gouvernement applique-t-il pour garantir un cursus continu, au-delà des discours ?
Une allocation budgétaire massive, des résultats limités
Pour l’exercice fiscal 2024-2025, le MENFP bénéficie d’une enveloppe budgétaire colossale de 47,275,810,127 gourdes, soit environ 12 fois le budget alloué à la Présidence, qui s’élève à 3,696,667,081 gourdes. Ce chiffre traduit, sur papier, une volonté de faire de l’éducation une priorité nationale. Pourtant, sur le terrain, la réalité contredit ces intentions affichées.
Budget Rectificatif 2024-2025 (Budget de guerre)
- MENFP : 47,275,810,127 Gdes
- Présidence : 3,696,667,081 Gdes
👉 Nombre d’employés :
- Éducation : 47,015 employés
- Présidence : 103 employés
Dépenses de personnel : un déséquilibre choquant
Dépenses de personnel 2024-2025 :
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MENFP : 29,098,006,525 Gdes pour 47 015 employés
-
Présidence : 1,932,194,264 Gdes pour 103 employés
👉 Coût moyen par employé :
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MENFP : 618,872 Gdes/employé
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Présidence : 18,759,168 Gdes/employé
Un employé de la Présidence coûte donc 30 fois plus qu’un employé du MENFP. On pourrait croire à une erreur comptable. Mais non : ce sont bien des chiffres officiels, publiés par la Direction du Budget.
Cette disproportion soulève une question centrale : où va réellement l’argent du contribuable ? Malgré ce budget, plusieurs enseignants sont toujours en attente de leur salaire. Les matériels scolaires n’arrivent pas ou arrivent en retard. Des salles de classe tombent en ruine, sans réparations prévues à court terme.
Des promesses qui peinent à se matérialiser
Le ministre avait évoqué une allocation de 20 000 gourdes à certains parents pour la rentrée scolaire. Mais sur le terrain, peu en ont vu la couleur. Ces annonces, non suivies d’effets concrets, fragilisent davantage la crédibilité d’un ministère déjà critiqué pour son manque de transparence et d’action structurée.
Depuis l’attribution du MENFP à l’équipe Montana – en l’occurrence au Conseiller-Président Fritz Jean – dans le cadre du partage des postes, l’éducation semble être totalement déconnectée de la réalité du pays, totalement indifférente au sort des pays et au bagage intellectuel des écoliers.
Quelle éducation lèguerons-nous à nos enfants ?
Le pays traverse une période où l’accès à l’éducation devient un luxe. La situation actuelle appelle à une remise en question profonde des priorités nationales. À quoi sert un budget record si les enseignants sont démotivés, les écoles désertées, les parents abandonnés, et les élèves pris au piège de la violence armée ?
L’éducation ne peut être une vitrine politique.
La rédaction