Alors que le système éducatif haïtien est au bord de l’effondrement, le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) a organisé, du 23 au 25 avril, une formation de trois jours à l’intention d’une quarantaine de ses cadres sur le thème « Initiation au genre ».
Dans son discours, le Ministre Augustin ANTOINE a rappelé que « La situation n’a pas toujours été ainsi. À l’ère des Taïnos, la femme avait joué un rôle prépondérant dans la société. Avec l’arrivée du système capitaliste, les choses se sont inversées et nous assistons tristement à cette question de perversion des rapports de genre »
Une initiative utile, mais largement déconnectée de l’urgence : l’insécurité, la précarité du corps enseignant et les fermetures massives d’écoles plongent le secteur dans une crise sans précédent. Le ministère de l’Education reste pourtant très présent dans les hôtels et salles de conférence pour des formations et séminaires, en veux-tu en voilà, pendant que les écoliers peinent à se rendre à l’école pour s’éduquer.
Plus de 959 écoles sont fermées dans les départements de l’Ouest et de l’Artibonite au 31 janvier 2025, contre 919 en juillet 2024. Ces fermetures – soit 5 % des 18 649 établissements scolaires du pays – affectent environ 163 000 élèves (7,3 % des effectifs nationaux) et 4 529 enseignants, selon l’OCHA. Le département de l’Ouest reste le plus touché avec 893 établissements fermés, privant 151 810 élèves et 4 217 enseignants de toute activité scolaire, suivi de l’Artibonite avec 66 écoles fermées.
La situation est d’autant plus critique que les attaques armées ciblent désormais les écoles elles-mêmes. Des enseignants, élèves et locaux scolaires sont victimes d’incendies, de balles perdues et d’intimidations. Cette violence systémique compromet gravement la rentrée scolaire prévue en septembre 2025.
Parallèlement, une crise persistante agite les syndicats de professeurs, nombreux à ne pas avoir reçu leurs salaires ni leurs arriérés, alimentant une contestation sourde mais tenace. L’absence de dialogue réel avec les enseignants alimente une fracture inquiétante entre le ministère et les acteurs de terrain.
Malgré plus de 47.27 milliards de gourdes alloués au MENFP dans le budget national – en plus des fonds investis dans des programmes dits d’apaisement – aucun plan clair de relance ou de sauvetage de l’année scolaire n’a été présenté à ce jour. Les séminaires et programmes de renforcement institutionnel se poursuivent, alors que le terrain s’effondre.
Les critiques sont vives. Marguerite Bouchereau Clérier, présidente de l’Association des Écoles Privées d’Haïti, s’est dite « indignée » par l’inaction du gouvernement.
À l’Université d’État d’Haïti, plusieurs facultés comme INAGHEI, FASCH et IERA/ISERS ont suspendu leurs activités. Jean Poincy, vice-recteur aux affaires académiques, demande des mesures urgentes et concrètes pour contrer l’expansion des gangs et restaurer l’environnement éducatif.
Et pendant que le ministre Antoine Augustin reste silencieux sur les mesures à prendre, il est important de rappeler que, dans le partage du pouvoir opéré au sein du Conseil présidentiel de transition, le Ministère de l’Éducation Nationale a été alloué à Fritz Alphonse Jean, actuel président du Conseil présidentiel. Un choix qui engage sa responsabilité politique directe dans la gestion de cette crise.
L’éducation est un droit fondamental. En Haïti, elle devient un luxe inaccessible.
La rédaction