Dajabón, Punta Cana, Saint-Domingue — Tandis que la République dominicaine renforce brutalement sa politique d’expulsions envers les migrants haïtiens, les violations des droits humains se multiplient, révélant une crise morale aussi bien qu’humanitaire. Mais face à cette tragédie, l’État haïtien reste étrangement silencieux, voire complice par inaction.
À Dajabón, le maire Santiago Riverón s’obstine à mener ses propres opérations de « nettoyage » anti-haïtiens, défiant ouvertement la ministre dominicaine de l’Intérieur, Faride Raful, qui a pourtant rappelé que seule la Direction Générale de la Migration (DGM) est habilitée à réaliser des interventions contre les personnes en situation irrégulière.
« Faride a raison, mais tant qu’elle ne me prouve pas que je n’ai pas cette autorité, je continuerai à faire mon travail », a déclaré le maire, filmé attrapant des enfants haïtiens par le col dans les parcs publics.
Mais au-delà de Dajabón, c’est l’ensemble du territoire dominicain qui est traversé par une politique migratoire répressive aux conséquences alarmantes. À Punta Cana, lieu emblématique du tourisme de luxe, se cache une réalité sordide : des femmes haïtiennes, enceintes ou non, affirment avoir été violées ou sexuellement harcelées, certaines pour éviter d’être expulsées, d’autres menacées ou contraintes à des actes humiliants pour obtenir un sursis a rapporté le média El Pais.
Parallèlement, des centaines d’enfants haïtiens ont été retirés de l’école, par peur des rafles autour des établissements. Le droit à l’éducation est désormais un privilège inaccessible pour une jeunesse qui vit dans la peur permanente d’être séparée de ses parents ou renvoyée de force vers un pays qu’elle ne connaît parfois même pas.
Cette violence migratoire sape également des piliers économiques dominicains comme le tourisme et la construction, largement dépendants de la main-d’œuvre haïtienne. Les expulsions désorganisent les chantiers, les hôtels, et fragilisent la paix sociale même dans les zones les plus riches du pays.
Mais ce qui choque encore plus que la violence des autorités dominicaines, c’est le silence assourdissant et l’inaction complice des dirigeants haïtiens. Où est l’État haïtien ? Où sont ses ministres ? Que fait-on pendant que des femmes sont violées, que des enfants sont terrorisés, que des familles entières vivent dans des conditions inhumaines ?
Face à cette hémorragie humaine, les autorités haïtiennes brillent par leur absence, leur indifférence, leur lâcheté.
À Port-au-Prince, les ministres voyagent en hélicoptère, cumulent les perdiems à l’étranger, et se félicitent entre eux de leur « présence diplomatique ». Pendant ce temps, les Haïtiens de République dominicaine – souvent exclus du statut de « diaspora » – ne sont que des ombres, sans protection ni défense.
Le ministre des Affaires étrangères, Harvel Jean-Baptiste semble dépassé, sans stratégie, sans parole, sans poids. Le titulaire du poste multiplie les voyages, mais n’exerce aucune diplomatie sérieuse pour défendre ses compatriotes à l’étranger.
La ministre du MHAVE, Kathia Verdier, censée défendre les intérêts des ressortissants haïtiens à l’étranger, brille par son indifférence, présente dans les tournées et rencontres de la Primature mais totalement indifférente au sort des Haïtiens en République Dominicaine. Le silence de la plus jeune Ministre du gouvernement est un aveu d’abandon, pour les jeunes et les femmes de sa propre génération.
Et que dire de la ministre à la Condition féminine, Pedricka Saint-Jean ? Elle qui fut militante des droits des femmes, un silence cynique alors que des femmes sont violées et maltraitées de l’autre côté de la frontière. Doit-on rappeler que les femmes enceintes, les mères, les filles n’auraient jamais dû être dans cette posture de souffrance, d’abandon et de peur ? Aucune visite, aucun rapport, aucune déclaration. Est-elle toujours sensible aux souffrances des femmes…
L’Institut du Bien-Être Social dirigé par Arielle Jeanty Villedrouin, censé protéger les enfants, détourne le regard. Les enfants haïtiens détenus, expulsés, maltraités ne semblent pas mériter leur compassion ou leur action.
Quant à la Conseillère-Présidente, Régine Abraham, au costume bien repassé et pantalon bien ajusté — on se demande : y a-t-il un cœur derrière cette apparence ? Une âme sensible dans ce fauteuil de marbre ?
Le ministre des Affaires étrangères est un cas perdu, plus visible dans des réceptions que dans les chancelleries. Il fait tout, sauf de la diplomatie. Le ministre de l’Intérieur, Paul Antoine Bien-Aimé, usé par l’âge, semble dépassé, absent des débats, absent de la douleur.
Pendant ce temps, le monde dénonce les dérives des agents dominicains, les violations flagrantes des droits humains, les abus documentés. Mais en Haïti, on garde le silence. Comme si fermer les yeux sur l’hémorragie permettait d’ignorer la plaie. Comme si la honte, à force d’être tue, allait finir par disparaître.
Et pendant ce temps, les voix internationales s’élèvent, les ONG tirent la sonnette d’alarme, les organisations de défense des droits humains et même des dominicains dénoncent les abus…
Mais en Haïti, on se tait. On laisse mourir la dignité. Ce silence d’État est une trahison. Cette passivité est un crime moral.
Faudra-t-il attendre qu’un autre enfant, une autre femme, un autre Haïtien paie de sa dignité le prix de notre indifférence nationale ?
La Rédaction