La parentalité au cœur du chaos
Être parent en Haïti en 2025, c’est vivre un cauchemar éveillé. Être mère, surtout une jeune mère, c’est porter le poids d’un pays qui s’effondre sous les assauts des gangs, de la faim et de l’abandon international. En ce jour de la Fête des Mères, célébrée dans un mélange d’amertume et de résilience, les mères haïtiennes, ces piliers invisibles, affrontent des crises géopolitique, économique et sociale qui transforment chaque jour en un combat pour la survie de leurs enfants.
Comment élever un enfant quand les balles sifflent, quand le ventre est vide, quand l’avenir semble inexistant ? Cet article ne cherche pas à apaiser ou à rassurer, mais à exposer, crûment, la réalité des jeunes mères haïtiennes et à poser une question brûlante : pourquoi le monde détourne-t-il les yeux alors que ces femmes luttent pour exister ?
Les jeunes mères face à la violence des gangs
Dans un Haïti où 85 % de Port-au-Prince est aux mains des gangs en 2025, les jeunes mères vivent dans une terreur constante. Les enlèvements, les fusillades et les viols collectifs sont le quotidien de quartiers comme Cité Soleil ou Martissant. Une mère de 22 ans, Danise, raconte avoir vu son frère adolescent abattu alors qu’il rentrait de l’école. « Je ne peux pas laisser mes enfants jouer dehors. Mais où est l’abri ? Où est la sécurité ? », demande-t-elle, les yeux rougis par l’épuisement.
Les gangs ne se contentent pas de tuer : ils recrutent des enfants, parfois dès l’âge de 10 ans, pour grossir leurs rangs. En 2024, 30 % des membres des gangs étaient des mineurs, une tendance qui s’aggrave en 2025. Les jeunes mères, souvent seules, doivent-elles devenir des guerrières pour protéger leurs fils et filles d’un destin de violence ? Pourquoi le Conseil présidentiel de transition (CPT), avec une seule femme parmi ses membres, reste-t-il muet face à cette prédation des enfants ?
La faim comme héritage
L’insécurité alimentaire touche 5,4 millions d’Haïtiens, soit près de la moitié de la population. Pour les jeunes mères, nourrir leurs enfants est une lutte sans fin. Un quart des enfants haïtiens souffre de malnutrition chronique, leurs corps frêles marqués par des années de privation. Christiana, 25 ans, déplacée à Mirebalais, confie : « Ma fille de six ans, Leineda, pèse à peine plus qu’un bébé. Je lui donne tout ce que je trouve, mais parfois, il n’y a rien. » Les marchés, pillés ou inaccessibles, laissent les mères démunies. Pourquoi, dans un monde où l’abondance existe ailleurs, les enfants haïtiens grandissent-ils avec la faim comme compagnon ? Pourquoi les 6 % seulement des fonds humanitaires nécessaires pour 2025 ont-ils été mobilisés, abandonnant ces mères à leur sort ?
Un système qui trahit les parents
Les écoles, fermées ou transformées en refuges, privent plus de 300 000 enfants d’éducation. Les hôpitaux, dont la moitié sont hors service, laissent les mères sans soins pour leurs enfants malades. L’épidémie de choléra, avec 88 000 cas suspects entre 2022 et 2024, continue de menacer les plus jeunes. Une jeune mère de 19 ans, anonyme par peur de représailles, explique : « Mon bébé a de la fièvre, mais le dispensaire est à trois heures de marche, à travers des zones contrôlées par les gangs. Que dois-je faire ? Risquer ma vie ou celle de mon enfant ? ».
L’État, miné par la corruption et l’inaction, et un CPT incapable de rétablir l’ordre, laissent les parents seuls face à ces dilemmes. Où est la justice quand les mères doivent choisir entre la maladie et les balles ?
Les mères, cibles de la violence sexiste
Les jeunes mères, en particulier, sont vulnérables aux violences sexuelles, utilisées comme arme par les gangs. En 2024, près de 4 000 femmes et filles ont rapporté des viols, souvent collectifs, dans des zones comme Port-au-Prince. Une mère de 20 ans témoigne : « Ils sont entrés chez moi. Ils m’ont pris ce que j’avais, et ils m’ont pris ma dignité. Maintenant, je dois sourire pour ma fille, mais à l’intérieur, je suis brisée. »
Ces violences ne sont pas des incidents isolés, mais une stratégie de terreur qui vise à humilier et à réduire au silence. Pourquoi les mères haïtiennes, qui portent déjà le fardeau de la survie, doivent-elles aussi endurer cette barbarie ? Pourquoi la communauté internationale, si prompte à dénoncer, est-elle si lente à agir ?
Déplacements forcés : Une vie sans racines
Plus d’un million d’Haïtiens, dont la moitié sont des enfants, sont déplacés à l’intérieur du pays en 2025. Les jeunes mères, souvent sans conjoint ni famille élargie, errent de ville en ville, accueillies par des communautés elles-mêmes exsangues. À Boucan-Carré, une mère de 23 ans murmure : « Mes enfants demandent où est notre maison. Je n’ai pas de réponse. » Ces déplacements brisent les liens sociaux, isolent les mères et privent leurs enfants d’un sentiment d’appartenance.
Qui rendra aux mères haïtiennes leur droit à un foyer ? Pourquoi l’exil intérieur est-il devenu le seul refuge d’un peuple abandonné ?
La Fête des Mères 2025 : Une célébration amère
À l’approche de la Fête des Mères, inspirée par l’élan des organisations féministes haïtiennes, comme celles décrites par le Centre de Recherche et de Développement International (CRDI), les mères haïtiennes ne demandent pas des fleurs ou des hommages. Elles veulent être vues, entendues, protégées.
La Fête des Mères à Port-au-Prince, autrefois une célébration vibrante, est aujourd’hui marquée par des rassemblements où les femmes crient leur colère et leur douleur. Une jeune mère, participant à un tel événement, lance : « Nous sommes des mères, pas des martyres. Pourquoi devons-nous tout sacrifier ? » Cette journée, loin d’être une pause, est un miroir des injustices : une mère honorée dans un pays qui l’abandonne est une contradiction criante.
La Fête des Mères 2025 doit-elle être un jour de deuil ou un cri de révolte ?
Une question sans réponse
Être parent en Haïti, c’est vivre dans un paradoxe : donner la vie dans un pays où la mort rôde, aimer ses enfants dans un monde qui semble les haïr.
Les jeunes mères, en particulier, portent un fardeau écrasant, celui de protéger, nourrir et élever dans un chaos où l’État, la communauté internationale et même l’espoir semblent absents.
En ce jour de la Fête des Mères 2025, une question demeure : combien de temps les mères haïtiennes devront-elles crier dans le vide avant que le monde ne les entende ?
Cet article ne propose pas de réponses, car les réponses manquent. Il pose un défi : regarder Haïti, regarder ses mères, et ne pas détourner les yeux.
Aussi douloureux que cela puisse être nous disons avec Amour et Respect bonne fête des mères, à ces guerrières, nos “super-héroïnes”, nos confidentes.
Lily & Sory Ades
Note : les chiffres et les témoignages ont été puisés des rapports des Nations Unies, Binuh, Onufemmes, unicef, CRDI, …