Port-au-Prince, 29 avril 2025 — Dans un communiqué diffusé ce mardi, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) a tenté de répondre aux critiques de plusieurs organisations de défense des droits humains, dont le RNDDH, qui dénoncent son train de vie en décalage avec la crise actuelle du pays. En invoquant un tableau comparatif de pourcentages budgétaires pour relativiser ses dépenses, le CPT cherche à convaincre que ses coûts de fonctionnement sont proportionnellement moindres que ceux des précédents chefs d’État. Mais à y regarder de plus près, la manœuvre apparaît comme un exercice de diversion face à une réalité budgétaire bien plus dérangeante.
L’économiste Fritz Jean, président actuel du CPT et ancien gouverneur de la Banque centrale, maîtrise parfaitement l’art des chiffres. Il sait quand utiliser les pourcentages pour orienter l’opinion et quand dévoiler les chiffres bruts afin de susciter un autre type d’intérêt ou de réaction.
Des pourcentages pour maquiller les montants
En comparant les dépenses de la Présidence à travers les années en pourcentage du budget national, le CPT omet volontairement de parler des montants absolus, ceux qui pèsent réellement sur les finances publiques. Le budget de la Présidence sous le CPT a connu une inflation notable :
Voici les données budgétaires classées par ordre chronologique et présentées de manière claire, puisées à partir des Budgets publiés dans le journal officiel « Le Moniteur » et disponibles sur le site du Ministère des Finances :
Exercice budgétaire | Budget de la Présidence (gourdes) | Observations |
---|---|---|
2017-2018 | 1,753,170,854 | Sous Jovenel Moïse |
2018-2019 | 1,592,824,810 | Sous Jovenel Moïse |
2020-2021 | 2,396,480,406 | Sous Jovenel Moïse |
2021-2022 | 1,520,962,616 | Sous PM Ariel Henry |
2023-2024 (initial) | 1,543,211,982 | Début du mandat du CPT |
2023-2024 (rectificatif) | 2,182,811,978 | Révision à la hausse |
2024-2025 (rectificatif 1) | 3,213,667,080 | Projet Conille |
2024-2025 (rectificatif guerre) | 3,696,667,081 | Budget post-crise, dit « de guerre » |
Soit une hausse de plus de 1,5 milliard de gourdes en l’espace d’un an, dans un pays confronté à une urgence humanitaire, à l’effondrement de l’économie et à l’insécurité généralisée. À titre de comparaison, sous le président Jovenel Moïse, le budget présidentiel oscillait entre 1,5 et 2,3 milliards de gourdes, un niveau bien inférieur à celui atteint aujourd’hui.
Des justifications floues et des dépenses douteuses
Le CPT nie formellement les allégations selon lesquelles 3 millions de gourdes auraient été dépensées pour fêter Pâques, ou encore 2,5 millions pour des cartes de débit. Pourtant, aucun document officiel n’a été présenté pour démontrer la fausseté de ces chiffres, et la communication du CPT semble davantage viser à discréditer les sources qu’à fournir des explications concrètes.
Par ailleurs, le tableau de pourcentage publié dans le communiqué, qui va de 2,2 % du budget national en 2014-2015 à 1,7 % en 2024-2025, donne l’illusion d’une gestion plus sobre. Or, dans un budget global qui a explosé ces dernières années, une légère baisse en pourcentage peut très bien dissimuler une hausse massive en valeur absolue, comme c’est le cas ici.
Une stratégie de dilution de l’information
Au lieu de clarifier la gestion des ressources, le CPT s’engage dans une stratégie de communication confuse, qui tente de noyer les faits dans une lecture technocratique. Il affirme vouloir « encourager les institutions organisées à privilégier les sources officielles », tout en évitant de publier des rapports détaillés, vérifiables et transparents.
L’ironie est d’autant plus grande que ce même Conseil, mis en place pour assurer une transition apaisée et crédible, semble reproduire les vieux schémas de l’opacité budgétaire qu’il prétend combattre.
Conclusion : une Présidence toujours plus coûteuse
Loin de calmer les inquiétudes, le communiqué du CPT renforce les soupçons sur sa gestion des fonds publics. Derrière les effets d’annonce et les tableaux rassurants, la réalité est que la Présidence sous le CPT coûte plus cher à l’État haïtien que sous les régimes précédents, en pleine période de crise.
La rédaction