Le 24 avril 2024. Rien que lundi dernier, 48 femmes enceintes, 39 mères venant d’accoucher, et 48 enfants mineurs ont été expulsés de République dominicaine, dans le cadre du nouveau protocole appliqué dans 33 hôpitaux publics du pays voisin, selon les autorités dominicaines.
La Direction générale des migrations renvoie ces femmes vulnérables — parfois dans un état critique — vers Haïti, escortées jusqu’aux postes‑frontières d’Elias Piña ou de Dajabón. Mais qui les accueille ?
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Quelle équipe médicale les prend en charge ?
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Quelle structure sociale les guide vers un abri ?
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Où est l’accompagnement de l’État haïtien ?
Par son mutisme, l’État se fait complice des violences subies par ses citoyennes. Il ressemble de plus en plus à un État failli et criminel, pendant que ceux qui le dirigent, hommes comme femmes, dilapident la maigre ressource publique pour leur confort personnel.
Et l’unique femme du Conseil présidentiel de transition ? Régine Abraham, choisie par le secteur Interfoi pour incarner la voix des croyants et des croyantes, reste silencieuse. Son inertie face à la détresse de ces femmes est un affront : quand la seule représentante féminine ne défend pas ses semblables, c’est l’espoir d’un leadership féminin porteur de changement qui reçoit une gifle retentissante.
En attendant, ces migrantes rentrent chez elles sans soins, sans toit, sans perspective — doublement trahies : par leur voisin qui les expulse et par leur propre pays qui les abandonne.
Les femmes haïtiennes enceintes en situation irrégulière sont devenues les premières victimes visibles des mesures du président Luis Abinader, notamment le contrôle systématique des documents dans les établissements de santé publics. Les autorités dominicaines reconnaissent que près de 30 % des femmes qui accouchent dans leurs maternités publiques sont haïtiennes. Ces patientes sont de plus en plus traquées, fichées, expulsées — parfois immédiatement après l’accouchement, sans ménagement, avec leur nouveau-né dans les bras.
Mais à qui la migration dominicaine remet-elle ces femmes à la frontière ? Qui assure le suivi médical, psychologique, ou même simplement logistique de ces mères et de leurs enfants ? À l’heure actuelle, aucune structure gouvernementale haïtienne ne semble préparée ou mobilisée. L’OIM et les organisations internationales ne peuvent, à elles seules, remplacer le rôle de l’État haïtien.
Et pendant ce temps, un silence glaçant règne du côté des autorités haïtiennes. Pas un mot, pas une initiative, pas une prise de position officielle. Et plus grave encore : aucune voix féminine au sein du pouvoir n’a osé s’élever pour dénoncer ou, à tout le moins, exprimer un soutien symbolique à ces femmes maltraitées.
Où est Régine Abraham, l’unique femme parmi les huit membres du Conseil présidentiel de transition ? Où sont Pédrica Saint-Jean, ministre à la Condition Féminine et aux Droits de la femme, et Niola Lynn Sarah Devalis Octavius, ministre de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique ? Et Ketleen Florestal, ministre de la Planification ? Où est J.E. Kathia Verdier, chargée des Haïtiens vivant à l’étranger — ces Haïtiens que l’on expulse chaque jour dans des conditions humiliantes ?
Mesdames, réveillez-vous. L’heure n’est plus à la prudence politique. Vous êtes les premières concernées. Votre rôle n’est pas seulement de figurer dans un organigramme gouvernemental, mais d’agir en conscience, avec humanité et courage. Soyez les médiatrices, les voix qui portent. Utilisez votre pouvoir d’influence pour faire entendre le sort des femmes, des mères et des enfants dans cette crise migratoire.
Car si vous vous taisez aujourd’hui, que restera-t-il demain de vos engagements pour l’égalité, la justice, la solidarité ? Haïti ne peut plus se permettre un leadership sans colonne vertébrale morale.
La rédaction