Alors que la résurrection du Christ est célébrée comme un message universel d’espérance, Haïti s’enfonce dans une nuit sans fin où la foi, le pouvoir et la violence se côtoient sans barrière. Depuis 2022, le pays subit une crise aiguë, faite de massacres, de kidnappings, de viols et d’assassinats, pendant que les autorités, impuissantes, cherchent des solutions dans le rationnel… ou dans le mystique.
Trois ans de déclarations de la communauté internationale, d’engagements des Nations unies, de plans de stabilisation… mais toujours pas de redressement. Pendant ce temps, la foi et le mysticisme s’imposent comme la toile invisible qui lie les sphères du pouvoir, les chefs de gangs et parfois même les forces de l’ordre.
Diplomatie céleste et négociations spirituelles
Le coordonnateur du Conseil présidentiel de transition (CPT), Leslie Voltaire, avait confié en février dernier qu’il a profité de sa visite au Vatican pour implorer Notre-Dame du Perpétuel Secours de neutraliser les gangs. Une démarche symbolique, mais révélatrice : face à l’échec des politiques de sécurité, les dirigeants haïtiens se tournent de plus en plus vers le ciel.
Le ministre des Affaires Etrangères et des Cultes, Jean Harvel Duverseau quant à lui, s’est rendu au Bénin, pays considéré comme le centre mondial du pouvoir mystique. Cette visite, sous couvert de rencontre officielle pour renforcer la coopération culturelle entre les deux pays, a été discrète, mais lourde de sens, renforce l’idée que la spiritualité occulte est au cœur de nombreuses décisions politiques en Haïti.
De son côté, Fritz Alphonse Jean, fraîchement désigné président du CPT en mars 2025, s’est recueilli à Sainte-Suzanne, sa commune natale, pour, dit-on, remercier les forces mystiques et recevoir leurs instructions.
En Haïti, le pouvoir n’est jamais seulement politique : il est mystique, symbolique et initiatique.
Une prière avec Barbecue
En avril 2024, Christian Today Magazine révélait que trois pasteurs kenyans, accompagnés de la Première Dame du Kenya Rachel Ruto et de responsables haïtiens et américains, avaient participé à une réunion Zoom avec Jimmy « Barbecue » Chérizier, chef de gang notoire. Le but ? Prier ensemble pour Haïti et interroger les racines spirituelles de sa violence. Les chefs de gangs Vitelhomme Innocent et Lanmò San Jou se sont donnés aussi des titres de guides spirituels, selon les dires.
La Police Nationale d’Haïti aussi touchée
Le phénomène ne s’arrête pas aux élites politiques. La Police Nationale d’Haïti (PNH) n’échappe pas à cette emprise mystique. Certains agents de police et Haut gradés du commandement consultent des houngans et des bocors pour se « protéger », se faire « invisibles » aux balles, ou pour neutraliser des adversaires. La foi devient parfois une arme tactique.
D’autres acteurs se recueillent sur la Bible, à la recherche d’une réponse ou d’une vision.
Cette fusion entre mysticisme, spiritualité et sécurité nationale pose un défi redoutable à l’État républicain et à l’éthique policière.
Massacres guidés par des visions
Le massacre perpétré les 6 et 7 décembre 2024 à Wharf Jérémie par Micanor Altès alias Wa Mikanò a été, selon les informations, inspiré par une révélation mystique reçue en rêve. Il aurait été convaincu que des personnes âgées de son quartier étaient à l’origine de la mort de son enfant. Sa vengeance a fait plus de 100 morts.
Mysticisme dévoyé et impunité spirituelle
Houngans autoproclamés, bocors, marchands de potions et de malédictions : tout un pan du mysticisme haïtien est aujourd’hui coopté par les gangs et même des figures politiques. Cette spiritualité détournée, entre menace occulte et couverture symbolique, protège ses acteurs derrière l’aura de la peur et le respect ancestral de la foi populaire.
Et maintenant ?
Haïti vit sous une domination invisible, à la fois politique, armée et mystique. Cette triple emprise rend toute solution de paix extrêmement complexe.
En ce dimanche de Pâques, une question demeure : qui viendra vraiment libérer Haïti ? Une armée ? Un messie ? Ou une prise de conscience collective, capable de séparer enfin la foi du crime ?
La rédaction
Par Le Quotidien 509 – Édition spéciale, dimanche de Pâques