On nous dit souvent que « l’habit ne fait pas le moine ». Pourtant, la réalité de notre quotidien nous montre que l’habit sert bel et bien à reconnaître le moine, à identifier celui ou celle qui porte une fonction, un rôle. Ce dicton, qui prône de ne pas juger l’intérieur d’une personne sur la base de son apparence, ne fait pas que témoigner d’une sagesse populaire : il met aussi en lumière une vérité incontournable : dans le monde d’aujourd’hui, l’apparence compte.
Oui, l’apparence, dans nos sociétés modernes, influence fortement la perception que l’on a de l’autre. Elle devient un critère d’évaluation et de respect, un indicateur souvent plus fort que les paroles ou les idées.
Nous vivons dans un monde où le respect de l’apparence, qu’il s’agisse de l’habillement, de la posture, ou même de l’hygiène personnelle, est devenu un reflet de nos valeurs et de notre responsabilité sociale. Il est en ce sens légitime d’attendre de nos dirigeants qu’ils aient une apparence soignée, digne de la fonction qu’ils occupent. Car un dirigeant, un leader, doit inspirer confiance, ordre et respect – et cela commence souvent par la manière dont il se présente.
À ce titre, il est crucial que nos dirigeants sachent comment s’habiller, se tenir et se présenter. Un costume bien taillé, une cravate correctement nouée, des vêtements propres et adaptés ne sont pas des détails : ce sont des éléments qui véhiculent un message puissant. Ils témoignent de la rigueur et du respect envers la fonction qu’ils occupent. L’apparence extérieure devient ainsi le miroir de la vision intérieure, de la capacité de ces dirigeants à prendre des décisions éclairées et à servir l’intérêt général.
Cependant, ce n’est pas uniquement une question de vêtement, mais aussi de propreté. Un corps propre, des espaces de travail propres, des toilettes en bon état et des locaux entretenus, c’est aussi un signe de respect envers ceux que l’on gouverne. L’incurie et le laisser-aller n’ont pas leur place dans des institutions publiques qui doivent servir l’ensemble des citoyens.
Le Quotidien 509, en observant le quotidien de nombreux dirigeants, note avec tristesse l’indifférence de certains envers l’importance de l’apparence. Trop souvent, des vestes trop grandes, des chemises froissées, des cheveux en désordre ou des barbes négligées sont la norme, des visages graisseux et dernièrement un pot de pistaches dans une interview officielle (…). Ces éléments ne sont pas des erreurs sans conséquences : ils sont le reflet d’une absence de respect envers soi-même, envers ses concitoyens, et même envers les principes de gouvernance.
Par exemple, certains hauts fonctionnaires se présentent dans des réunions en costumes mal ajustés, des pantalons trop courts ou trop longs, ou avec des cravates mal nouées, dénouées ou froissées, donnant l’impression d’une négligence totale. Le manque de soin apporté à leur tenue peut nuire à la perception de leur autorité et à leur capacité à diriger. Ces gestes qui semblent anodins sont en réalité des signaux envoyés à la population. Ce type de comportement renforce l’idée qu’une partie de notre leadership n’accorde pas la priorité à l’exemplarité.
Le manque de soin ne se limite pas aux individus, il s’étend aussi à nos institutions. Trop souvent, les bâtiments administratifs sont laissés à l’abandon, les bureaux en désordre, et les espaces de travail ne reflètent pas la dignité que l’on devrait attendre d’une fonction publique. Dans de nombreuses institutions de l’État, les toilettes sont sales et mal entretenues, avec des équipements souvent cassés ou inutilisables.
Dans certains ministères, les bureaux sont en mauvais état, les meubles usés, et l’environnement de travail déprimant, avec l’odeur d’un plat du jour composé de riz national, poulet en sauce ou d’un plat de griot « fritay ».
Et ce manque de soin est également visible dans certains autres espaces publics : l’hôpital public, par exemple, où des salles d’attente vétustes et mal entretenues sont souvent pleines de patients en attente de soins. Le manque de propreté dans ces institutions de santé fait écho à une gestion inefficace et à une absence de priorité donnée à la dignité humaine.
Tout cela, bien entendu, se reflète dans la perception que nous avons de notre pays et de nos dirigeants. Nos concitoyens, en particulier ceux qui vivent dans la précarité, peuvent difficilement croire en la capacité de leurs dirigeants à améliorer leur sort lorsqu’ils voient que même les institutions censées les servir sont dans un état de délabrement.
Le Quotidien 509 observe également avec dépit l’absence d’attention portée à des détails qui, pourtant, témoignent d’une volonté d’améliorer notre environnement. Les lieux de rassemblement, tels que les ambassades ou les centres de migration, ne font souvent pas exception. À l’ambassade d’Haïti en République Dominicaine, l’insalubrité qui règne autour du bâtiment est un exemple criant de ce manque de soin.
Les Haïtiens qui se rendent dans ces lieux pour des démarches administratives sont accueillis dans des conditions de saleté et de désorganisation qui ne reflètent en rien la dignité qu’ils devraient recevoir en tant que citoyens. Cela envoie un message dévalorisant à la communauté haïtienne à l’étranger et renforce l’idée que l’image d’Haïti est négligée, même dans les espaces censés la représenter.
La propreté, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, devient la clé pour reconstruire cette image, cette confiance en nos institutions. Un grand nettoyage s’impose, non pas simplement en remplaçant les individus, mais en éliminant cette « saleté » symbolique qui ternit notre identité. L’hygiène, l’ordre et la clarté d’esprit sont les piliers d’une gouvernance saine et d’un environnement dans lequel chaque citoyen peut s’épanouir. Une vision d’État claire, fondée sur le respect et la dignité, ne peut émerger que dans des espaces propres et bien ordonnés.
Il est temps d’aller au-delà de l’apparence. Si nos dirigeants doivent incarner la propreté, l’ordre et le respect à travers leur image et leur comportement, il en va de même pour chacun de nous. Car l’apparence, après tout, ne sert qu’à nous rappeler que le respect de soi et des autres est essentiel pour un avenir prospère.
Brigitte Benshow