Depuis sa nomination en novembre dernier comme Premier Ministre d’Haïti, Alix Didier Fils Aimé s’impose comme un homme politique habile et calculateur, capable de manœuvrer dans un contexte politique complexe. Contrairement à son prédécesseur Garry Conille, souvent critiqué pour son manque de stature et ses promesses non tenues, Fils Aimé affiche une maîtrise des stratégies et une capacité à s’entourer de conseillers expérimentés ayant une idée précise des problèmes et des couloirs de solutions.
Un leadership stratégique et audacieux
Le Premier ministre Fils Aimé a su éviter les pièges qui auraient pu déjà le compromettre. Son silence stratégique sur le scandale de la Banque Nationale de Crédit (BNC), impliquant trois (3) Conseillers-présidents du CPT, illustre sa capacité à esquiver les controverses tout en posant des actions qui consolident sa position. On a l’impression qu’il sait jongler entre la tactique du jeu de dames et la profondeur stratégique des échecs, planifiant chaque déplacement de ses pions avec soin pour contourner les obstacles.
Sa gestion publique avec le Conseil Présidentiel de la Transition (CPT) en est un exemple frappant. Alors que des tensions auraient pu éclater sur le remplacement de Rameau Normil, ce qui d’ailleurs était déjà le cas, il a habilement nommé Mario Andrésol comme secrétaire d’État à la Sécurité publique, une décision risquée mais qui a su rallier un large consensus. Toutefois, la cohabitation entre Andrésol et Normil, marquée par des querelles passées, reste une question sensible.
Andrésol, ancien chef respecté de la PNH, apportera, à coups sûrs, une certaine expertise et une légitimité qui renforceront la lutte contre l’insécurité. « Les temps ne sont plus les mêmes » diront les plus sceptiques. Cependant, cette cohabitation s’inscrit dans des enjeux délicats : les tensions historiques entre Normil et Andrésol pourraient laminer la collaboration nécessaire pour restaurer l’autorité de l’État. Les efforts déployés par la PNH sous l’autorité de Rameau ces derniers mois pourraient être mis à rude épreuve et créer aussi une démotivation de la Troupe du DG actuel. La population désemparée sera à l’épreuve de la tri-collaboration Andresol-Normil-MSS (mission multinationale).
Si cette nomination audacieuse établit la volonté de Fils Aimé à prendre des risques calculés, en équilibrant les forces en présence tout en répondant aux attentes populaires, néanmoins, le « projet » d’Arrêté définissant les attributions du Secrétaire d’Etat à la Sécurité Publique, donc celles de Mario Andrésol, a tiré une balle dans les pieds du Premier Ministre. Une polémique et une suspicion s’installent donc malheureusement dans le panorama politique et sécuritaire déjà très fragile.
En effet, et c’est là son premier péché véniel. La Primature a soumis au CPT un arrêté controversé dont le but serait de banaliser les pouvoirs du DG de la Police Normil Rameau en plein satisfecit pour ses prouesses de ces derniers jours.
Rameau vient d’entreprendre des actions majeures qui établissent clairement qu’il veut contrer avec force les gangs de tous poils. Les opérations menées par lui ou sous sa supervision sensibilisent positivement la population. À ce compte, les termes de ce projet d’arrêté vont à contre-courant des efforts du DG de la police et risquent de jeter un pavé dans la mare.
C’est un tir que le PM doit immédiatement rectifier s’il tient à demeurer dans l’admiration de ce peuple aujourd’hui aux abois. Si tout le monde a applaudi la nomination de Mario Andresol, les termes de l’arrêté ont tout de suite sidéré la majorité des observateurs.
Des réalisations concrètes et un suivi rigoureux
Pourtant, depuis son entrée en fonction, le Premier ministre a multiplié les initiatives, notamment en assurant un suivi attentif de ses décisions. Parmi elles, citons : l’accompagnement humanitaire aux déplacés, les échanges avec les madanm Sara, le soutien aux journalistes, la décision anticipée de rouvrir l’aéroport international de Port-au-Prince malgré l’interdiction de la FAA sur les vols américains, la réaffirmation de la circulaire 001 pour encadrer la gestion des ressources humaines dans l’administration publique, la réouverture programmée du Port du Sud, …. , témoignent d’une volonté de montrer un leadership différent du prédécesseur.
Le limogeage du ministre de la Santé, Lorthe Bléma, illustre également sa capacité à trancher lorsque nécessaire, montrant qu’il privilégie l’efficacité à la complaisance.
Le visage sévère affiché, le plus souvent du PM Fils-Aimé, sur les photos officielles, invite aussi à se demander s’il s’agit de posture purement politique et d’une volonté pour envoyer un message d’autorité “ki pa vin jwe”.
Entre héritage et défis
Issu d’une famille politiquement et économiquement influente, Alix Didier Fils Aimé s’inscrit dans la continuité d’un héritage qui mêle gestion de crise et stratégie politique. Son père, Alix Fils-Aimé, a dirigé avec succès le premier désarmement des gangs sous René Préval. Son appartenance sociale, son expérience dans le secteur économique, sa candidature en 2015 comme Sénateur de l’Ouest lui donnent un carnet d’adresses très diversifiées.
Cependant, des critiques subsistent : la non-présence d’assez femmes et de jeunes dans son gouvernement et son entourage, le manque de transparence sur des dossiers majeurs, hérités bien sûr, comme la conférence nationale, et le manque d’intensification des démarches ressenti dans les efforts de rétablissement des relations avec la République dominicaine.
Conclusion
Si le PM Fils-Aimé, se ravisant sur la nécessité de cet arrêté intempestif, réussit à transformer en espace de réussite et de collaboration efficace la cohabitation Andrésol-Normil, il pourra marquer des points significatifs dans la lutte contre l’insécurité et porter à son crédit le succès tant attendu du peuple haïtien à ce niveau.
Toutefois, la prudence reste de mise, car chaque faux pas avec la PNH pourrait fragiliser ses avancées.
En dépit des défis, jusqu’à présent, le Premier ministre se distingue par une gouvernance pragmatique et calculée, consolidant progressivement son rôle dans un paysage politique volatile.
La rédaction