Santo Domingo, 19 mai 2025 — En pleine offensive contre la migration irrégulière, la République dominicaine se retrouve face à un paradoxe économique. Alors que le gouvernement applique 15 mesures strictes contre l’immigration clandestine, le secteur de la construction plaide pour la régularisation d’au moins 87 000 travailleurs haïtiens, essentiels à son bon fonctionnement.
Selon Annerys Meléndez, présidente de l’Association dominicaine des constructeurs et promoteurs de logements (Acoprovi), 20 % de la main-d’œuvre dans la construction est composée d’Haïtiens, soit près de 87 000 sur un total de 435 000 employés. Ce chiffre met en évidence la dépendance du secteur vis-à-vis d’une main-d’œuvre étrangère souvent sans statut légal.
« Les Dominicains ne veulent pas occuper certains postes dans la construction, ce qui rend les travailleurs haïtiens indispensables », a déclaré Meléndez. Elle exhorte le gouvernement à faciliter l’octroi de visas spéciaux ou de permis de travail en rouvrant des consulats dominicains, notamment en Haïti, pour accélérer les démarches.
La pression monte également dans d’autres secteurs affectés par les déportations massives de ressortissants haïtiens. Des chefs d’entreprises et acteurs économiques demandent désormais un débat national sur la régularisation de la main-d’œuvre étrangère. Le président Luis Abinader a reconnu l’importance du sujet lors de sa conférence hebdomadaire « La Semanal » du 12 mai, en laissant entendre que cette question serait discutée au sein du Conseil Économique et Social (CES).
« Je vais laisser ce débat au CES. Nous y convoquerons tous les secteurs afin qu’ils puissent discuter des meilleures actions dans l’intérêt du pays », a-t-il déclaré en réponse à une question de la journaliste Consuelo Despradel.
Malgré l’ouverture à une discussion, le gouvernement dominicain n’a pas encore annoncé de plan formel de régularisation. Le porte-parole de la présidence, Homero Figueroa, a rappelé que la politique migratoire reste centrée sur la réduction du nombre d’immigrés illégaux et le renforcement des contrôles frontaliers.
Cette contradiction entre besoins économiques et impératifs politiques soulève des tensions persistantes. D’un côté, la survie de secteurs comme la construction dépend d’une main-d’œuvre étrangère bon marché. De l’autre, l’administration Abinader reste fidèle à sa promesse de prioriser l’emploi dominicain et de réduire la pression migratoire.
Les professionnels du secteur préviennent : sans régularisation rapide, des chantiers risquent de s’arrêter, menaçant non seulement les délais de livraison, mais aussi la croissance économique dans un contexte de taux d’intérêt élevés et de contraintes budgétaires.
La Rédaction