Port-au-Prince, 10 novembre 2025 — Haïti s’enfonce dans une spirale où se croisent armes, drogue et argent sale. Les cargaisons suspectes franchissent les frontières, les réseaux criminels prospèrent, et les institutions censées surveiller les flux financiers et le trafic illicite semblent s’être tues.
L’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF), la Commission Nationale de Lutte contre la Drogue (CONALD) et l’Administration Générale des Douanes figurent pourtant au cœur du dispositif légal de contrôle. Mais leur mutisme face à la montée des trafics interroge autant qu’il inquiète.
Les institutions clés, plongées dans le silence
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Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF), dirigée par Me Michelin Justable, est chargée de détecter et signaler les transactions suspectes liées au blanchiment.
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Commission Nationale de Lutte Contre la Drogue (CONALD), placée sous la direction de Karl-Henry Périclès, coordonne la lutte nationale contre le trafic de stupéfiants.
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Administration Générale des Douanes, actuellement dirigées par Gérald Remplais, a pour mission de contrôler les importations, d’inspecter les cargaisons et de combattre la contrebande.
Aucune de ces institutions n’a, depuis des mois, produit de rapport public, tenu de conférence de presse ni annoncé de résultats concrets. Selon des sources judiciaires, des biens saisis par la CONALD seraient même utilisés à des fins personnelles par certains responsables, en dehors de tout contrôle de l’État — des allégations qui méritent une enquête approfondie.
Haïti au cœur du trafic d’armes : une vulnérabilité reconnue à l’ONU
Ce 10 novembre 2025, le Conseil de sécurité des Nations Unies a examiné la mise en œuvre de la résolution 2220 (2015) sur le contrôle des armes légères.
Le constat est alarmant : les dépenses militaires mondiales atteignent un niveau record de 2 700 milliards de dollars, et les trafics se multiplient dans les zones de tension.
En Haïti, les groupes criminels disposent d’armes provenant majoritairement de sources privées américaines, ou détournées de la Police nationale d’Haïti (PNH), des Forces armées ou encore de sociétés de sécurité privées.
Mais même les rares prises spectaculaires de l’État — comme la saisie de plus d’une tonne de cocaïne au large de l’île de la Tortue le 13 juillet 2025 — n’ont pas suffi à convaincre. L’opération, saluée comme un succès historique, s’est rapidement dissipée dans le silence, sans suite judiciaire ni rapport public. Ce mutisme entretient le doute sur la traçabilité des preuves et sur la sincérité du combat contre les trafics. Les frontières demeurent poreuses, les groupes armés utilisent désormais la mer comme nouvelle voie logistique, et la désorganisation de l’État continue d’offrir un terrain ouvert aux réseaux criminels.
Suivre l’argent : un principe oublié
Les experts le rappellent : pour combattre le crime, il faut suivre l’argent. Or, l’UCREF — bras technique du pays dans cette mission — semble en veille.
Aucun rapport d’activités récent, aucune alerte publiée, aucune collaboration connue avec la justice ou la police. La CONALD, elle, est devenue quasi invisible. Pas de campagnes publiques, pas de coordination interinstitutionnelle, pas de bilans sur la lutte contre les routes de la cocaïne qui traversent le pays.
Quant à la Douane, elle paraît s’être repliée sur sa seule fonction de collecte fiscale, reléguant au second plan les inspections et les contrôles de cargaisons suspectes.
Le paradoxe de l’ONUDC : un appui sélectif
Le rôle de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) suscite lui aussi des interrogations. Quelques jours après que l’Ex-Premier Ministre Jean Henry Céant ait accusé de plein fouet le DG de l’ULCC comme un corrompu, une correspondance virale sur les réseaux sociax adressée à l’organisation Ensemble contre la Corruption a dénoncé avec référence les actions et les investissements de Monsieur Joseph à trvers des prêtes-noms, le signataire a aussi rappelee que Me Samuel Madistin a accusé Hans Joseph, directeur général de l’ULCC, d’avoir « blanchi » plusieurs dossiers de corruption (dont ceux du sénateur Rony Célestin), le représentant de l’ONUDC en Haïti s’est rendu à l’ULCC, comme un support tacite au DG dénoncé.
Pourquoi ONUDC renforce prioritairement une institution anticorruption classique, alors que les structures de traque financière, qui correspondent le mieux à sa mission, sont à l’arrêt ou ignorées ? Comment combattre la corruption sans s’attaquer aux flux criminels qui la nourrissent ?
Un déséquilibre institutionnel et une crédibilité en danger
L’ONUDC semble concentrer ses appuis sur une ULCC fragilisée, au détriment des entités clés dans la lutte contre le crime organisé. Cette situation illustre un déséquilibre des priorités, un silence des institutions techniques, et un risque de capture institutionnelle.
Sans relance de l’UCREF (pour le suivi des flux financiers) et de la CONALD (pour la coordination antidrogue), toute stratégie de sécurité restera lettre morte.
Une prise de responsabilités
Les institutions censées incarner la lutte contre la corruption et le crime financier — ULCC, UCREF et CONALD — sont aujourd’hui discréditées par leur manque de transparence. Il devient impératif de procéder à un audit complet de ces structures : leurs contrats, leurs budgets, leurs directions successives, et les organisations internationales qui les financent. L’État doit également publier le rapport détaillé de la Douane haïtienne sur les saisies d’armes, de drogue et de marchandises de contrebande. Car, contrairement à la République dominicaine, qui communique régulièrement sur ses opérations et ses résultats, la Douane haïtienne reste muette, incapable de démontrer son efficacité face à des trafics qui explosent.
Cette opacité nourrit la défiance et entretient l’impunité. Les rares opérations de la PNH et des Douanes, souvent médiatisées mais sans suite, ne suffisent pas à convaincre. L’ONUDC, de son côté, doit recentrer sa mission en Haïti : non pas se limiter à des visites symboliques, mais exiger la traçabilité des financements, la publication des rapports et la reddition des comptes. Car Haïti n’a pas besoin d’apparences de coopération internationale, mais d’un système de contrôle réellement capable de suivre l’argent, les cargaisons et les complicités.
Brigitte Benshow
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