Avertissement : Le Groupe d’experts des Nations unies sur les sanctions a transmis le rapport final. Pour bien permettre à notre lectorat d’en prendre connaissance, le journal reproduira en plusieurs publications les titres développés dans ce document de 148 pages, dont 42 pages de rapport et 106 pages d’annexe.
. Dynamique des gangs
24. Au cours de la période considérée, la dynamique des gangs a évolué de façon notable, les deux coalitions rivales – le G9 et le G-Pèp – ayant activé l’alliance Viv Ansanm le 29 février 2024 afin de faire front commun contre le Gouvernement (voir les annexes 3 et 4). Depuis la fin du mois de février, la capitale a connu des niveaux de violence sans précédent, les gangs menant des attaques coordonnées contre d’importants bâtiments gouvernementaux et des infrastructures critiques (voir l’annexe 5 et la section II.D.2).
25. Les départements de l’Ouest et de l’Artibonite continuent d’être en proie à des niveaux alarmants de violence. Dans le département de l’Ouest, les gangs ont ciblé plusieurs communes, comme Cité-Soleil, Delmas, Tabarre, Port-au-Prince et Croix-des-Bouquets. Ils ont également étendu leur contrôle à la périphérie de la capitale, notamment sur des communes du sud (Carrefour, Gressier et Léogane), de l’est (Ganthier) et du nord (Cabaret et Arcahaie) de l’agglomération, avant le début des opérations de la Mission multinationale d’appui à la sécurité, afin d’accroître leurs revenus. Selon les estimations, 85 % de la zone métropolitaine de Port-au-Prince est actuellement sous l’influence ou le contrôle de gangs (voir l’annexe 6) .
27. Les cinq individus visés par des sanctions demeurent à la tête des principaux gangs d’Haïti ; parmi eux, 5 Segond, dirigé par Johnson André (alias « Izo » – HTi.002), et Grand Ravine, dirigé par Renel Destina (alias « Ti Lapli » – HTi.003), sont actuellement les gangs dominants par leur emprise territoriale, leur nombre de membres, leur puissance de feu et leurs revenus. S’il est le chef de gang le plus connu et celui qui se fait le plus entendre (voir la section II.A), Jimmy Chérizier (alias « Barbecue » – HTi.001) n’est pas le plus puissant. Il a perdu considérablement de son influence sur la coalition G9 (voir l’annexe 7), car son gang, Delmas 6, a été affaibli par les opérations de police en cours et la perte de revenus. Il est à noter que Viv Ansanm a pillé la plupart des commerces du Bas-Delmas qui versaient à Barbecue un tribut en échange de leur « sécurité ».
28. Le gang Kraze Barye, quant à lui, est passé au second plan, affaibli par les multiples affrontements qui l’ont opposé à l’une de ses branches, qui avait à sa tête « Didi », tué en mai 2024. Celui-ci s’opposait au leadership de Vitelhomme Innocent (HTi.005). Le gang a également été affaibli par plusieurs opérations de police. Il a reçu le soutien des gangs 5 Segond et Canaan. Ce dernier, dirigé par Jeff Larose (alias « Jeff »), a gagné en importance en raison de sa proximité avec 5 Segond et du fait que sa zone a été épargnée par les attaques de Viv Ansanm et les opérations de police. De son côté, le gang 400 Mawozo, dirigé par Joseph Wilson (alias « Lanmo San Jou » – HTi 004), a étoffé sa capacité de combat et ses revenus, notamment en extorquant des camions transportant des marchandises à destination et en provenance de la République dominicaine (annexe 8) .
31. Les aspirations politiques de Viv Ansanm ont été révélées par son soutien à Guy Philippe et ses positions antigouvernementales (voir S/2024/253). Sachant que la prise du Palais national serait un coup symbolique porté à l’État, Viv Ansanm a lancé au moins 10 attaques d’envergure contre celui-ci depuis le début du mois de mars 2024. Ces offensives ont été soutenues par Dimitri Hérard, ancien chef (2017-2021) de l’Unité de sécurité générale du Palais national, qui, après avoir été emprisonné pour son rôle présumé dans l’assassinat de l’ancien Président Jovenel Moise en 2021 (voir l’annexe 9), s’est évadé de prison avec plus de 4 600 autres détenus en mars 2024. M. Hérard a incité certaines personnes à tuer les agents de sécurité qui résistaient aux attaques et il avait partie liée avec Guy Philippe, qui aurait tenté de corrompre des policiers pour laisser les gangs entrer dans le Palais 15 .
33. Dans le quartier voisin de Solino, depuis février 2024, Barbecue est associé à son ancien rival Kempes Sanon pour intensifier les raids, l’objectif étant d’accéder aux routes stratégiques reliant leurs territoires à d’autres secteurs et de diversifier leurs sources de revenus (voir S/2023/674). Des affrontements ont eu lieu entre les gangs et le groupe d’autodéfense de Solino, faisant plusieurs victimes (voir l’annexe 10). Dans le passé, Barbecue avait une sorte d’arrangement informel avec certains agents de police de Solino. Cependant, les attaques constantes de Viv Ansanm contre les locaux et les résidences de la police, ainsi que les opérations menées par celle -ci contre le bastion de Barbecue, ont contribué à ébranler cette relation18. En réaction à la pression policière accrue, le 9 juin, Barbecue a revendiqué une attaque meurtrière qui a coûté la vie à trois agents de l’Unité tactique antigang de la Police nationale d’Haïti qui patrouillaient au Bas-Delmas (voir l’annexe 11). Le gang a reproché aux agents d’être entrés dans la zone à titre privé pour soutenir le groupe d’autodéfense de Solino.
41. Malgré l’émission, en janvier 2024, d’un mandat d’arrêt contre Youri Latortue pour meurtre, association de malfaiteurs et contrefaçon, celui-ci continue d’utiliser les gangs Raboteau et Kokorat San Ras pour exercer son contrôle sur Les Gonaïves et la région de l’Artibonite en toute impunité. Youri Latortue utilise sa société de sécurité privée National Security pour acquérir des armes à feu et fournit du matériel à des membres de gangs.
52. L’activation de la coalition Viv Ansanm démontre une évolution de la capacité des gangs à définir, coordonner et exécuter des stratégies en fonction de leurs priorités. Le rôle clé qu’ils ont joué dans l’éviction de M. Henry en est l’illustration. Enjeu de taille pour le nouveau Gouvernement appuyé par la Mission multinationale d’appui à la sécurité, la reconquête des zones tenues par les gangs n’en sera pas moins une étape nécessaire dans la perspective d’élections.
B. Dynamique de la criminalité transnationale organisée….
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