Port-au-Prince, 9 juin 2025 – Quelques jours après la déclaration officielle du Chancelier haïtien sur les nouvelles restrictions de voyage imposées par les États-Unis, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) a publié un communiqué indépendant, daté du 5 juin mais rendu public ce 9 juin via ses comptes X et Facebook. Il y exprime ses réserves face à la décision de Washington et appelle à des discussions bilatérales avec l’administration américaine.
Un geste inhabituel, qui soulève de sérieuses interrogations sur le positionnement institutionnel du CPT… et sur la cohérence de la diplomatie haïtienne en temps de crise.
Quand le CPT parle en doublon du Chancelier
Alors que le président Donald Trump a justifié sa décision en affirmant que « Haïti ne dispose pas d’une autorité centrale apte à fournir des informations de sécurité fiables », le CPT – dirigé actuellement par Fritz Alphonse Jean – tente de reprendre la main.
Dans son communiqué, il affirme :
« Le CPT renouvelle son attachement à une collaboration bilatérale constructive et s’engage à initier des négociations et des discussions techniques avec l’administration américaine dans le but de retirer Haïti de cette liste et de préserver les droits inaliénables et légitimes de ses citoyens et de ses citoyennes. »
Mais cette prise de position directe, en doublon de celle du Chancelier, pose une question de fond : à qui revient réellement la conduite de la diplomatie haïtienne dans le contexte actuel ?
Une parole institutionnelle fragmentée ?
Le geste du CPT, aussi solennel soit-il, met en lumière une cacophonie institutionnelle préoccupante. À l’international, un État parle d’une seule voix. Or ici, plusieurs centres de décision semblent vouloir occuper la scène diplomatique – ce qui renforce les arguments de Donald Trump et de son Secrétaire d’Etat Marco Rubio, qui mettent déjà en doute la légitimité et la stabilité de la structure transitoire en Haïti.
Négocier quoi ? Et à quel prix ?
Reste la question : que veut réellement négocier Fritz Alphonse Jean ? Pourquoi le CPT a-t-il jugé utile de sortir de la ligne diplomatique classique, en publiant son propre communiqué ? Faut-il y voir une simple volonté de montrer qu’il existe… ou un signal plus calculé ?
Faut-il relire la déclaration du président du Conseil le 18 mai dernier, lorsqu’il affirmait que « tout le monde sait qui finance les gangs » ? Une phrase qui pourrait aujourd’hui résonner différemment dans les couloirs de Washington. Le 26 Mars dernier, à la Jamaïque Fritz Jean avait déclaré : « Je me suis entretenu avec le Secrétaire d’État américain Marco Rubio sur la crise sécuritaire en Haïti ».
Jean prépare-t-il aujourd’hui, soit 3 mois plus tard, un échange ? Veut-il « donner des têtes » aux Américains en contrepartie d’un retrait d’Haïti de la liste noire ? ou d’autres choses…. ou du moins cherche t-il une invitation au Sommet des Amériques qui aura lieu en Décembe en République Dominicaine. La Présidence de ce pays a confirmé la présence de Donald Trump à l’évènement. Plusieurs questions restent posées.
Plus que jamais, la transition haïtienne semble à la croisée des chemins : entre volonté de dialogue international et déficit de structure, entre initiatives politiques et diplomatie officielle, entre annonces publiques et zones d’ombre.
La rédaction