La République dominicaine expulse en masse les Haïtiens, Port-au-Prince dénonce une « épuration ethnique »
Le représentant d’Haïti auprès de l’OEA (Organisation des États américains) Gandy Thomas qualifie « d’épuration ethnique » l’expulsion en masse de citoyens (majoritairement haïtiens) à cause de leur couleur de peau (noire), ou de leur origine.
Participant mardi à la réunion de l’OEA pour discuter de la situation des migrants haïtiens, l’ambassadeur Thomas a demandé à la communauté internationale de considérer ce qui se passe en République dominicaine pour ce qu’il est : « une campagne discriminatoire dirigée contre les Haïtiens sur la base de leur nationalité et de la couleur de leur peau. »
Le diplomate a souligné que la politique migratoire dominicaine envers Haïti et ses ressortissants est discriminatoire et viole leurs droits fondamentaux.
« Les déportations massives accentuent la fragilité de nos infrastructures et les expulsés arrivent sans aucun soutien ni ressources pour s’intégrer dans la communauté ». Cela aggrave encore la situation humanitaire en Haïti et alimente l’instabilité dans la région », a-t-il ajouté.
Participant, par visioconférence à cette rencontre, le responsable de communication du Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR) Sam Guillaume, a dénoncé les « traitements inhumains » infligés aux migrants haïtiens en cours de déportation.
Ils sont victimes d’extorsion et de viol. Certains sont emprisonnés sans eau, sans nourriture et quand ils veulent protester, ils sont systématiquement électrocutés et aspergés de gaz lacrymogènes.
Parmi les rapatriés, il y en a qui n’ont aucune connexion avec Haïti et qui risquent d’agrandir les camps de réfugiés, a-t-il souligné.
Intervenant, lui aussi par visioconférence, le journaliste et entrepreneur Ives Mari Chanel, représentant de la Fondation Zile, a plaidé en faveur du dialogue permanent entre les deux pays.
Il évoque ce qu’il appelle « des responsabilités partagées » autour de cette situation et réclame le respect et la protection des droits des migrants haïtiens qui se trouvent en République dominicaine.
Pour sa part, le représentant dominicain à l’OEA, le ministre-conseiller auprès de Radhafil Rodríguez, a défendu la politique migratoire de son pays et déplore qu’Haïti ait choisi de saisir l’OEA pour résoudre la situation sans recourir au préalable aux canaux de communication qu’elle entretient avec la République dominicaine.
Il n’était pas nécessaire de dénoncer ces situations entre pays voisins devant l’OEA, dit l’ambassadeur dominicain, arguant que les canaux de communication avec Haïti sont ouverts et qu’il n’est pas opposé au dialogue avec les autorités haïtiennes.
L’ambassadeur Rodríguez souligne que les mesures annoncées par le Conseil de sécurité de la République dominicaine visent à renforcer celles qui existent déjà. Elles visent, dit-il, à faire face à la situation que connaît son pays et qui est générée par la pression migratoire massive haïtienne.
Si les dénonciations sur les violations des droits des migrants en instance de déportation sont multiples et que des vidéos l’attestent sans ambages, le diplomate prétend que ces déportations se font « dans le principe le plus strict du droit international, ainsi que dans l’engagement de l’État dominicain à garantir la sécurité nationale et le respect des droits humains ».
Il a, comme le font souvent les dirigeants dominicains, évoqué « le fardeau » que représente la migration haïtienne sur les services publics de son pays. Aussi, il souligne qu’on ne saurait demander à la République dominicaine de cesser les expulsions des migrants dits en situation irrégulière.
Si plusieurs pays dont le Canada, les États-Unis, la Colombie, le Guyana et le Panama admettent que la République dominicaine a le droit souverain de gérer sa politique migratoire, leurs représentants à l’OEA plaident en faveur du respect des normes internationales et des droits de l’homme des migrants lors des processus d’expulsion.
La Rédaction