En ce 6 juin 2025, la France commémore le 81e anniversaire du Débarquement de Normandie, moment décisif dans la libération de l’Europe du joug nazi. Parmi les figures héroïques de cette opération historique, un nom se distingue par ses racines haïtiennes : Philippe Kieffer, né à Port-au-Prince en 1899, commandant du commando français qui participa au débarquement du 6 juin 1944.
Issu d’une famille alsacienne installée en Haïti, Kieffer passe son enfance sur l’île avant de poursuivre ses études à Jersey. D’abord banquier, il s’engage dans la marine française au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. En 1940, il rejoint Londres et les Forces françaises libres. Il fonde ensuite le 1er bataillon de fusiliers marins commandos.
Le 6 juin 1944, 177 hommes sous son commandement débarquent à Ouistreham, devenant les seuls Français à participer au D-Day aux côtés des Alliés. Kieffer devient l’un des symboles de la Résistance française et est fait Compagnon de la Libération.
Mais ce que la France rappelle aujourd’hui, c’est qu’il est né en Haïti, terre de liberté depuis 1804. Un fait que peu de manuels scolaires mentionnent, alors qu’il s’inscrit dans la continuité de l’histoire haïtienne :
En 1801, la Constitution de Toussaint Louverture proclamait déjà l’abolition définitive de l’esclavage et l’égalité de tous. Celle de 1889, en vigueur lors de la naissance de Kieffer déclare en son article 3 :
Sont Haïtiens :
1° Tout individu né en Haïti ou ailleurs de père haïtien ;
2° Tout individu né également en Haïti ou ailleurs de mère haïtienne, sans être reconnu par son père ;
3° Tout individu né en Haïti de père étranger, ou, s’il n’est pas reconnu par son père, de mère étrangère, pourvu qu’il descende de la race africaine ;
4° Tous ceux qui, jusqu’à ce jour, ont été reconnus comme Haïtiens.
Ce rappel historique prend un relief particulier, car le même jour, l’Assemblée nationale française a adopté une résolution historique : elle reconnaît officiellement l’injustice de la « double dette » de 1825, imposée à Haïti par la France par Charles X.
L’hommage rendu par la France est donc aussi une invitation à relire notre histoire.
Le cas de Philippe Kieffer, souvent présenté simplement comme un officier français, mérite d’être pleinement reconnu pour ce qu’il est : le parcours d’un homme né en Haïti, marqué par un idéal de résistance et de liberté. Son histoire témoigne des contributions majeures — mais souvent invisibilisées — des Haïtiens à l’histoire mondiale.
En rendant hommage à ce héros, la France rappelle que la liberté n’a pas de frontières, et que Haïti, première République noire indépendante, a enfanté plus d’un combattant de la dignité humaine.
La rédaction