Depuis plusieurs années, le Comité de Normalisation, sous mandat de la FIFA, peine à accomplir sa mission. Au-delà de la révision des statuts et de l’organisation d’élections, une question centrale s’impose : que signifie réellement « professionnaliser » le football haïtien ? Est-ce professionnaliser le championnat, les clubs, ou encore les joueurs ? La confusion demeure, tandis que le système, dans son ensemble, reste fondamentalement amateur.
Dans ce contexte, la démarche initiée par certains clubs de première division avec le comité de normalisation pour mettre sur pied une nouvelle ligue apparaît critiquable. Elle est jugée trop fermée sur elle-même, portée par une gouvernance peu transparente et une vision qui ne fait pas consensus parmi les acteurs de l’élite du football.
À l’inverse, les clubs de deuxième division, à travers la réactivation de la LINAF, se positionnent comme les premiers à engager une véritable réflexion collective sur l’avenir du football national. Sans donner tous les détails de leur initiative, il est déjà clair que leur démarche ouvre un débat essentiel, en invitant à repenser le modèle actuel et à explorer des pistes de professionnalisation plus inclusives.
Cependant, poser la question du professionnalisme suppose aussi d’examiner les bases économiques et juridiques du football haïtien. Peut-on bâtir une ligue professionnelle sur la seule billetterie et sur un sponsoring limité ? Peut-on parler de professionnalisation quand les textes qui régissent le sport en Haïti définissent encore un cadre amateur ? Autrement dit, la réflexion ne peut être sérieuse que si elle prend en compte l’environnement réel du football haïtien et qu’elle engage tous les acteurs, de la base jusqu’à l’élite.
En définitive, la véritable question n’est pas de proclamer la professionnalisation du football, mais de savoir si les conditions existent réellement pour la rendre crédible. Or, persister à bâtir des projets fermés, sans transparence et sans modèle économique viable, revient à tromper les acteurs comme les supporters. La démarche des clubs de première division avec le comité de normalisation illustre cette impasse. À l’inverse, la réactivation de la LINAF par la deuxième division, bien qu’encore discrète, a le mérite d’ouvrir un débat que d’autres refusent d’affronter. Si le football haïtien veut sortir du cercle vicieux de l’amateurisme, il devra tôt ou tard choisir : continuer à vendre des illusions ou construire, enfin, un projet collectif et solide.
Louissaint Jean

