L’histoire de la musique RACINE haïtienne remonte à l’époque de l’esclavage. Arrachés à leur terre d’origine, nos ancêtres venus d’Afrique ont refusé d’abandonner leurs croyances, leurs rythmes et leurs traditions.
Dans les champs, la musique devenait leur refuge, leur cri, leur résistance.
À l’aide d’instruments improvisés — souvent des outils agricoles —, ils chantaient leur souffrance, dénonçaient l’injustice et invoquaient la liberté.
C’est dans ces chants de douleur et de courage que s’est forgé le socle spirituel de la musique racine, symbole de lutte et de résilience.
Musique dévotionnelle, porteuse de mémoire, elle reste une colonne vertébrale de l’identité haïtienne.
Victime de boycott, d’ignorance et de préjugés, la musique RACINE a souvent été diabolisée.
De nombreuses institutions religieuses l’ont qualifiée de musique “vaudou”, “diabolique” ou “sorcellerie”.
Peu soutenue par les médias, promoteurs et producteurs, elle peine à trouver sa place dans un marché musical dominé par le compas et le rap kreyòl.
Le bassiste et guitariste Eddy François, lors de l’émission The Ralph Condé Show (17 juillet 2020), affirmait :
“Tant qu’on ne revient pas à la source, il n’y aura aucun avenir pour la musique racine.”
Et pourtant, cette musique, issue du folklore haïtien, reste l’une des plus riches du patrimoine national, avec ses rythmes envoûtants, ses tambours spirituels et ses textes profondément engagés.
Les années 80 et 90 ont marqué l’apogée de la tendance RACINE.
Des groupes mythiques ont émergé :
BOUKMAN EKSPERYANS, BOUKAN GINEN, RAM, TOMTOM, KOUDJAY, RACINE MAPOU de AZOR, RACINE KANGA de WAWA, REV, KANPECH, CHANDEL, ALOVI YAWEH, et plus tard TOKAY, KLOCH LAKOU LAKAY ou LAKOU MIZIK.
Ces formations ont porté la voix du peuple, dénonçant la misère, l’exil, la corruption, mais aussi célébrant la foi, la terre et la liberté.
Des chansons comme :
“Nou pap sa bliye” et “Tribilasyon” (Boukman Eksperyans),
“Ede m chante” et “Jou a rive” (Boukan Ginen),
“Linyon” (Tomtom),
“Sonje” (REV),
“Pa kriye” (Kanpech),
“Vwazen an” (Racine Mapou),
“3 chen” (Wawa),
“Anba Siklòn” (Lakou Mizik),
“Fèy” (RAM),
demeurent de véritables manifestes culturels et sociaux.
La musique RACINE, c’est plus de 100 rythmes traditionnels :
le Pétro, le Nago, le Yanvalou, le Congo, le Rara, le Djumba, le Méringue, le Rabòday, le Ti Joslin…
Chaque rythme possède son esprit, sa signification, sa danse.
Le regretté Daniel Dalce, ancien bassiste de Coupe Cloué, racontait :
“Chaque rythme est une histoire, une mémoire, un souffle de nos ancêtres.”
Cette richesse rythmique fait de la musique racine une mosaïque unique dans la Caraïbe.
Aujourd’hui, seuls BOUKMAN EKSPERYANS et RAM continuent de faire vivre cette flamme, souvent à travers les fêtes champêtres ou des tournées à l’étranger. Mais, l’insécurité, l’absence de politique culturelle, le manque de soutien institutionnel et la fuite des talents ont affaibli cette scène.
Le Ministère de la Culture, lui, semble s’être désengagé, laissant les tambours battre seuls dans le vide.
Pourtant, tant qu’un tambour résonnera, tant qu’un chanteur élèvera la voix pour la justice, la musique RACINE ne mourra pas.
Elle survivra dans les cœurs, dans les lakou, dans les veillées, comme un appel à la mémoire et à la dignité.
Mackenson (Kee-Many) GASSANT
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