Depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, Porto Rico est devenu le théâtre d’une offensive migratoire d’une rare intensité. En seulement quatre mois, près de 500 migrants ont été arrêtés par les agents de l’immigration fédérale (ICE) dans l’île. Trois quarts d’entre eux sont de nationalité dominicaine, un chiffre qui soulève l’indignation de nombreux leaders communautaires et défenseurs des droits humains.
Une politique de ciblage ethnique dénoncée
Selon les données officielles, moins de 80 des personnes arrêtées avaient un casier judiciaire, et la majorité n’avaient pour seul tort que d’avoir tenté de revenir aux États-Unis après une expulsion préalable. Cette vague d’arrestations se fait avec la complicité active des autorités locales, qui ont notamment transmis à ICE la liste des détenteurs de permis de conduire non citoyens – une initiative vivement critiquée pour son caractère discriminatoire.
Des cas concrets illustrent cette politique de traque :
Jacinto, interpellé après un banal accident de voiture pour absence de documents. Pedro, arrêté devant chez lui à Hatillo, puis transféré en centre de détention en Floride selon Diario Libre. Ou encore Don Alfonso, un vendeur de fruits régularisé, malgré tout détenu selon les médias portoricaines.
“Une trahison”, dénoncent les leaders dominicains
Pour la communauté dominicaine de Porto Rico – bien implantée depuis des décennies dans les secteurs du bâtiment, de la restauration, de l’éducation ou même dans la fonction publique – la situation est vécue comme un véritable traumatisme.
« C’est une trahison pure et simple », affirment plusieurs porte-voix communautaires, qui accusent les autorités portoricaines de sacrifier les migrants pour plaire à Washington.
« Ils apparaissent et enlèvent des gens », a déclaré la Pasteur Nikka Marrero à Associated Press en mars dernier.
Le témoignage de González-Ramos dans une interview à NPR souligne l’ampleur du phénomène et la stratégie assumée de coopération avec ICE. Les arrestations deviennent quasi quotidiennes, provoquant la peur, la méfiance et un repli des communautés migrantes qui n’osent plus se rendre dans les hôpitaux, les écoles ou les administrations.
Un parallèle douloureux avec la politique d’Abinader envers les Haïtiens
Cette situation à Porto Rico fait écho, ironiquement, à la politique migratoire menée en République dominicaine même. Le président Luis Abinader, applaudi par certains pour ses positions sécuritaires, mène une campagne de déportations massives contre les Haïtiens, dénoncée comme raciste et arbitraire.
La boucle est bouclée : tandis que les autorités dominicaines expulsent en masse les Haïtiens, les Dominicains eux-mêmes subissent une logique identique de l’autre côté des eaux caribéennes.
Dans ce jeu de frontières et de statuts, les Dominicains sont désormais traités comme les Haïtiens qu’ils repoussent.
Les concentrations les plus élevées de Dominicains à Porto Rico se trouvent à San Juan, notamment dans les zones orientales près de Carolina, dans l’est de Santurce et dans le district de Rio Piedras.
Porto Rico a une population de 3,2 millions d’habitants, et est sous souveraineté américaine, avec le statut ambigu d’« Etat libre associé ».
La rédaction