Le président dominicain Luis Abinader a réagi avec fermeté, ce lundi 26 mai, aux accusations portées par les autorités haïtiennes, qui tiennent la République dominicaine, les États-Unis et la Colombie pour responsables de l’acheminement d’armes et de drogues qui alimente la violence des gangs en Haïti.
Lors de sa conférence hebdomadaire LA Semanal con la Prensa, le président a défendu la position de son pays en déclarant : « Haïti est un problème pour la région. Nous le savons et nous nous protégeons ». Il a aussi vivement critiqué les appels des responsables haïtiens à « changer la narration » autour de leur pays, rejetant l’idée que la crise haïtienne ne représenterait aucun danger régional. « Ils disent qu’il n’y a pas de danger, et pourtant ils installent des bureaux à Cap-Haïtien au cas où ils auraient des difficultés ? », a-t-il ironisé.
« Il n’y a donc pas de problème en Haïti ? Pas de problème de sécurité ? C’est un complot imaginaire ? », a-t-il poursuivi sur un ton sarcastique.
Des faits documentés par l’ONUDC
Cependant, les propos d’Abinader doivent être mis en perspective avec plusieurs rapports récents de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), qui confirment les accusations portées par les autorités haïtiennes. Ces documents révèlent une augmentation significative du trafic d’armes sophistiquées vers Haïti, en provenance majoritairement des États-Unis — notamment de la Floride — et transitant par voie maritime et aérienne, souvent via la République dominicaine.
Le conseiller spécial de l’ONU pour Haïti, William O’Neill, a récemment alerté sur la priorité absolue : stopper le flux de munitions vers les gangs. « Si les munitions cessent, peu importe les armes qu’ils possèdent. Ils seraient anéantis, faute de soutien populaire », a-t-il déclaré.
Haïti reste particulièrement vulnérable, avec des frontières poreuses et peu surveillées. Le chef de la police frontalière haïtienne a lui-même reconnu que le pays ne compte que 350 agents pour surveiller 400 km de frontière, un seul drone, peu de véhicules, aucun scanner aux ports maritimes — autant de failles majeures dans la lutte contre le trafic.
Mais les rapports pointent également des défaillances du côté américain — avec un manque d’inspections des cargaisons sortantes — et dominicain. Malgré les efforts accrus de la DNCD (Direction nationale de contrôle des drogues), la République dominicaine est aujourd’hui un point névralgique du narcotrafic régional. En moins d’un mois, les autorités dominicaines ont saisi plus de 5 000 paquets de stupéfiants lors de vastes opérations, confirmant l’ampleur du phénomène.
Une responsabilité régionale
Si la position du président dominicain vise à protéger les intérêts de son pays face à la crise haïtienne, les constats des experts internationaux montrent qu’aucun acteur régional ne peut véritablement « se laver les mains ». La circulation des armes et des drogues relève de réseaux transnationaux complexes, dans lesquels la République dominicaine joue malgré elle un rôle de transit. D’ailleurs, le Président Gustavo Petro, lui-même a reconnu certains faits reprochés.
La rédaction