Entre cliniques mobiles, actions humanitaires et assassinat Jovenel Moïse; le parti politique Les Engagés pour le Développement (EDE), dirigé par Claude Joseph, renforce ses actions sociales à destination des policiers et des détenus, via sa branche EDE Secours.
Le 16 juin dernier, à l’occasion de la célébration du « Mois des Policiers », une clinique mobile a été déployée au profit des agents de la Police nationale d’Haïti (PNH). Selon les informations du parti, il s’agit de « rendre hommage aux forces de l’ordre » et de leur offrir soins, médicaments et soutien moral. Qu’en serait-il réellement? Ces gestes nourrissent des interrogations croissantes sur l’utilisation de la PNH comme tremplin politique, à l’orée d’une année électorale.
Les couleurs et logos du parti Politique sont bien en évidence dans les enceintes de la PNH afin que le photographe ne rate pas une prise sans le vert Dominant du parti. Tout le marketing visuel est déployé.
Une quatrième clinique mobile au cœur d’un commissariat
D’autres actions similaires ont eu lieu. EDE Secours avait organisé, le 2 février 2025, sa quatrième clinique mobile au CERMICOL, situé dans l’enceinte du commissariat de Delmas 33. L’activité comprenait des consultations médicales gratuites, la distribution de médicaments et de kits hygiéniques aux détenus.
Une initiative que la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP), par la voix du Dr Louis Philippe Dolce, a saluée comme un acte de solidarité essentiel, notamment envers « ceux souvent oubliés par le système ».
Ces cliniques mobiles suivent une logique déjà amorcée en novembre 2022, lorsque la coordination d’EDE à Port-de-Paix avait offert des plats chauds aux prisonniers souffrant de sous-alimentation aiguë.
Pourtant, cette proximité entre une structure politique active et l’institution policière nationale suscite de vives réactions dans les milieux de la société civile, surtout dans un contexte marqué par une crise politique, économique et sécuritaire prolongée. La structure de Claude Joseph ne semble pas souffrir ni de la crise économique ni de l’insécurité.
Un parti riche en actions, mais aussi en fonds ? Quand bien même que la situation économique du pays se dégrade, le parti EDE se voit une augmentation ou une constante dans les cotisations de ses membres?
Autre point qui interpelle : l’origine des financements d’EDE. Alors que la majorité des formations politiques haïtiennes peinent à assurer leur fonctionnement ou à mobiliser des ressources, EDE semble disposer de moyens importants, multipliant activités sociales, services médicaux, distributions, formations professionnelles, voyages, campagnes de visibilité, etc…
Le nom de Claude Joseph, ancien ministre des Affaires étrangères, n’a t-il pas été cité dans l’ordonnance du juge Garry Orélien dans l’enquête sur l’assassinat du président Jovenel Moïse?
Qu’en est-il de sa comparution de ce 20 Juin?
Bien que n’ayant pas été inculpé à ce jour, il reste un acteur sous surveillance judiciaire, ce qui jette une ombre sur le partenariat public que la PNH semble entretenir avec lui.
Préparation électorale ou stratégie humanitaire ?
En pleine période pré-électorale, ces gestes pourraient aussi servir une stratégie de campagne bien rodée. Le parti EDE, jusqu’ici peu inquiété par les turbulences économiques, bénéficie d’un espace de déploiement inédit au sein de la PNH, sans opposition apparente de la hiérarchie policière ni de contrepoids institutionnel.
Cette situation amène à poser une question fondamentale :
La PNH peut-elle continuer à s’associer, même dans le cadre d’actions humanitaires, à un parti politique dirigé par un homme dont l’indépendance judiciaire reste questionnée ?
Sans remettre en cause la portée sociale des actions menées, la neutralité de l’institution policière doit être préservée. En l’absence de cadre réglementaire clair et transparent, ces initiatives alimentent le soupçon d’une instrumentalisation de la PNH au profit d’un projet politique bien organisé.

La rédaction