Port-au-Prince, 25 juillet 2025 – Dans une déclaration solennelle et attendue publié le 23 juillet, la Conférence Épiscopale d’Haïti (CEH) a pris position sur la crise sécuritaire et sur l’Avant-projet de Constitution déposé par les membres du comité de Pilotage présidé par l’Ex-PM Enex Jean Charles. Si le message se veut prophétique et rassembleur, certaines contradictions récentes et une mémoire sélective méritent d’être soulignées.
Un cri d’alarme contre la violence et la déchéance nationale
Les évêques haïtiens dénoncent avec gravité la descente aux enfers du pays : État défaillant, population martyrisée, profanation des lieux de culte, territoires contrôlés par des bandes armées. L’Église appelle à une prise de conscience civique et spirituelle, pour éviter l’irréparable.
« Trop de sang a coulé. Trop de familles sont détruites. Trop de jeunes ont perdu espoir », déplorent-ils dans un vibrant appel à la reconstruction morale et institutionnelle de la Nation.
Une critique de l’Avant-projet constitutionnel, déjà décrié
La CEH reconnaît certains aspects positifs du texte, notamment :
- La reconnaissance accrue des droits sociaux,
- Une volonté de modernisation de l’État,
- L’inclusion de la diaspora et des jeunes.
Mais elle dénonce aussi :
- Un processus non inclusif, sans Assemblée constituante élue,
- Une concentration excessive du pouvoir exécutif,
- L’absence de mécanismes garantissant l’effectivité des droits proclamés,
- Et un modèle de gouvernance trop complexe pour le contexte haïtien actuel.
Mais pourquoi maintenant ? Une Église en porte-à-faux avec ses engagements récents
Cette prise de position suscite des interrogations légitimes : Pourquoi maintenant, alors que l’avant-projet est déjà massivement rejeté par une partie de la population ? Et surtout, pourquoi ce silence prolongé de l’Église sur l’implication directe de plusieurs de ses fidèles dans la mise en place de la transition actuelle ?
Des figures clés de cette transition sont issues des rangs catholiques, et pourtant l’institution n’a jamais publiquement pris ses distances avec eux :
- Mgr Pierre André Dumas, aujourd’hui signataire du message (mentionné comme hospitalisé), avait pourtant lui-même signé l’accord du 9 Mars 2024 dit Accord de Consensus pour une Transition Inclusive , aux côtés de Jerry Tardieu, Fanmi Lavalas, et l’Accord de Montana, dans le but d’établir le Conseil Présidentiel de Transition (CPT).
- Le secteur Interfoi, dont est issu le parti politique en gestation REN (Rassemblement pour une Entente Nationale), est largement piloté dans l’ombre par Jean Lucien Ligondé et Jimmy Albert, tous deux proches de l’archevêché.
- Ces derniers occupent actuellement des postes dans la transition et bénéficient de privilèges liés à leurs réseaux religieux.
- Le ministère de la Jeunesse et des Sports, dirigé par la ministre Niola Lynn Sarah Devalis Octavius, est sous enquête de l’ULCC (Unité de Lutte Contre la Corruption).
- Le ministère de l’Environnement, également sous influence du REN, est dirigé par un proche du secteur Interfoi. C’est là que Jean Lucien Ligondé relance ses controversés « centres de germoplasmes », un projet déjà critiqué pour son opacité, sa faible utilité publique, et ses soupçons de clientélisme.
- Par ailleurs, Régine Abraham, actuelle représentante officielle du secteur Interfoi au sein du CPT, n’a jamais été critiquée par l’Église, malgré les nombreuses suspicions dont elle fait l’objet, notamment dans le partage de l’argent de l’Intelligence de la Présidence.
Un appel nécessaire… mais une mémoire sélective ?
Le message de la CEH reste fondamental et moralement salutaire, mais il suscite un malaise.
Pour de nombreux observateurs, l’autorité morale de l’Église exige une transparence totale sur ses propres responsabilités. Elle ne peut à la fois siéger à la table du pouvoir – parfois dans l’ombre – et dénoncer publiquement ses dérives sans faire un examen de conscience profond et honnête.
Entre vigilance prophétique et autocritique attendue
En relançant le débat national sur l’avenir constitutionnel du pays, la CEH tente de se repositionner comme boussole morale dans une Haïti en perdition. Mais pour que cette parole soit entendue, elle devra d’abord balayer devant sa propre porte. Il faut aussi comment par faire un rappel à l’ordre à Régine Abraham, Jean Lucien Ligondé et Jimmy Albert qui usent largement de leur influence et leur notoriété auprès de l’archevêché.
Dans un pays où tout vacille – institutions, sécurité, foi dans le futur – la crédibilité religieuse ne peut reposer que sur une exigence égale de vérité, de justice… et de cohérence.
La Rédaction
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