Port-au-Prince, en Haïti ; la répression s’est institutionnalisée. Une nation en perdition.
Les forces officielles mènent une tâche quotidienne d’une intensité sans précédent, tandis que les forces parallèles des gangs armés aux visages changeants militent le jour, bandes criminelles le lendemain, sèment la terreur. Ce double fléau alimente un cycle infernal où les morts s’accumulent à un rythme effréné.
Dans ce chaos, une économie de la mort prospère. Des entrepreneurs cyniques, sur l’onde de choc des violents, ont saisi l’opportunité pour monnayer le deuil. Leur stratégie est glaçante : installer des morgues de fortune à des endroits stratégiques (morgues calquées sur la carte mouvante des affrontements). Leur commerce roule jour et nuit. Le symbole en majuscule qui sillonne la capitale. Ils ne transportent pas des vies à sauver, mais les dépouilles de celles que la violence aveugle a fauchées.
Chaque passage est un indicateur sinistre de l’état critique du pays. Cette réalité se mue en un véritable « western » tragique où la population, prise entre deux feux, sombre dans une résignation morbide. Pour les plus modestes, de plus en plus vulnérables, l’idée même d’un avenir s’est évanouie. Beaucoup ne songent plus à la vie ; ils se considèrent déjà comme des fantômes ambulants, errant dans les décombres de leur nation.
Face à cette descente aux enfers, les neuf membres du Conseil présidentiel de transition multiplient les promesses sécuritaires. Pourtant, une partie de l’opinion les accuse d’être les architectes de cette répression brutale.
Le compte à rebours est enclenché : dans les six mois à venir, leur mandat s’achèvera. Il reste peu de temps pour inverser le cours d’une tragédie haïtienne qui, chaque jour, ajoute une page sanglante à son histoire.
Claude Aubry,
Professeur, Ethnologue.
23 octobre 2025

