Port-au-Prince, 9 juin 2025 – Nouvelle opération, nouvelle fuite. L’intervention policière menée le Dimanche 8 juin 2025 à Torcel-Pernier, dans le fief du puissant chef de gang Vitelhomme Innocent, s’est soldée par un échec tactique : l’homme recherché, dont la tête est mise à prix pour 2 millions de dollars par les États-Unis, a une nouvelle fois réussi à s’échapper. Le syndicat SPNH-17 dénonce une absence de coordination entre les institutions sécuritaires et un manque de soutien logistique de la part du gouvernement et du Conseil présidentiel de transition (CPT).
Dans un communiqué virulent, la SPNH-17 accuse les autorités de ne pas avoir mis à disposition les moyens techniques nécessaires, notamment les drones kamikazes gérés par la task force spéciale de la Primature/CPT, au moment critique de l’opération. Une vidéo de drone, devenue virale sur les réseaux sociaux, montre des membres du gang prenant la fuite en voiture, puis à pied, dans les mornes et au niveau de la rivière grise.
« La police serait allée plus loin si le CPT et le gouvernement avaient véritablement soutenu les efforts des policiers », peut-on lire dans le communiqué du syndicat.
Un appel tardif à la task force ?
Pour démêler les responsabilités, Le Quotidien 509 a contacté plusieurs sources sécuritaires. L’une, proche du gouvernement, explique que l’opération du 8 juin s’inscrivait dans une série d’interventions menées indépendamment par la PNH à Torcel depuis une semaine. Selon elle, la task force n’a pas été initialement intégrée à cette action. Il nous a informé que la Task force n’agit pas sans la PNH lors des opérations planifiées, mais l’inverse n’est pas forcément vrai.
Une seconde source, issue cette fois du milieu policier, nuance ce tableau : bien que la task force n’ait pas été impliquée dès le départ, la PNH aurait sollicité l’usage des drones en pleine opération, soit quasiment au moment même où les gangs prenaient la fuite. Résultat : un délai de réaction impossible à compenser.
« Informer la task force pendant que les bandits s’échappaient, c’était déjà trop tard », admet notre source. « Même sans tensions personnelles entre le DG Frantz Elbé et les membres de la task force, il n’y avait plus de marge. »
Visite présidentielle à la DGPNH deux jours avant l’opération
Fait troublant : deux jours avant cette opération ratée, le vendredi 6 juin, le Président du CPT, Fritz Alphonse Jean, a rendu une visite officielle à la Direction Générale de la Police Nationale d’Haïti (DGPNH), à Clercine. Accompagné de membres du Haut-Commandement, le Président du Conseil a échangé avec le Directeur Général a.i de la PNH, M. Rameau Normil, sur les stratégies à adopter pour intensifier la lutte contre le banditisme.
« D’importants échanges ont eu lieu pour renforcer les dispositifs sécuritaires et améliorer les interventions sur le terrain », selon le communiqué officiel de la Coordination de Presse et des Relations Publiques de la DGPNH.
Or, cette réunion de haut niveau ne semble pas avoir suffi à corriger les défaillances systémiques qui continuent de fragiliser les opérations sur le terrain.
Trop de sang, pas assez de moyens
La SPNH-17 appelle une nouvelle fois le gouvernement à débloquer le « budget de guerre » annoncé et à le transformer en actions concrètes. Le syndicat réclame du matériel roulant, des munitions, des équipements de protection et un appui technologique permanent.
« Trop de sang a coulé. Trop de femmes ont été violées. Trop d’enfants abandonnés. Il est temps de doter les forces de sécurité des moyens de libérer le pays », clame la SPNH-17 dans son appel à l’action.
Malgré l’échec, le syndicat salue la bravoure des agents engagés, notamment les directeurs départementaux de l’Ouest (DDO1 et DDO2), les unités spécialisées, ainsi que le Directeur Général de la PNH, Monsieur Frantz Elbé.
La rédaction