Cayes-Cap-Haïtien, le 13 juillet 2025 — Alors que les caniveaux débordent dans les rues du Cap-Haïtien, que les aéroports de Port-au-Prince et des Cayes fonctionnent au ralenti et que des marchands vendent sur des montagnes de détritus à deux pas de la mer, le ministre du Tourisme, John Herrick Dessources, persiste à vendre une vision idyllique d’un « nouveau tourisme haïtien ». Une vision que même les croisiéristes ne partagent plus : Royal Caribbean a suspendu depuis avril toutes ses escales à Labadee, sa destination privée sur la côte nord d’Haïti. En cause : l’insécurité galopante, confirmée par la déclaration d’état d’urgence du gouvernement en Avril 2025.
« Par mesure de précaution, nous avons temporairement suspendu nos escales à Labadee. » — Royal Caribbean, avril 2025
Malgré ce désaveu cinglant, le ministre a présenté le 8 juillet semaine, dans le cadre des Mardis de la Nation, un plan de relance touristique centré sur le Nord et le Sud du pays. Parmi les annonces : réhabilitation du Parc national historique (Citadelle Laferrière, Palais Sans-Souci, Ramiers), rénovation des anciens bâtiments patrimoniaux des Cayes et de la Grand’Anse, relance de l’École du tourisme des Cayes, standardisation de la formation professionnelle, et mise en place d’un Conseil national du Tourisme.
Sur le terrain, la situation est catastrophique. À quelques mètres à peine de l’aéroport du Cap-Haïtien, les vendeurs ambulants exposent leurs marchandises sur des tas de détritus, avec pour toile de fond une mer polluée et une ville qui s’effondre au moindre orage. À Port-au-Prince, des zones entières sont inaccessibles à cause de la guerre des gangs, les hôtels ferment ou brûlent (comme l’hôtel Oloffson, récemment incendié), et les touristes — locaux comme étrangers — fuient ou ne viennent plus.
Mais pendant que les discours s’enchaînent, la réalité s’impose — brutale et implacable :
- Les aéroports sont délabrés, les passagers livrés à eux-mêmes face aux retards, pannes d’électricité et absence de sécurité. L’aéroport du Cap peine à tenir ce flux de passagers, même les toilettes sont dans un état qui laissent à désirer.
- Les routes du Sud sont impraticables ou contrôlées par des gangs. La fameuse Côte des Arcadins est aujourd’hui en grande partie entre les mains de groupes armés.
- Le Cap-Haïtien, pourtant déclaré « destination prioritaire », vit sous la menace constante d’orages qui transforment ses rues en égouts à ciel ouvert et sous les regards résignés des touristes étrangers ou personnels étrangers.
- Les vols vers le Cap sont devenus inabordables, décourageant tout voyageur local.
- Les sites patrimoniaux sont en ruine, exposés aux pillages. En juin 2024, des canons ont disparu de la Citadelle Henry. L’ISPAN a reconnu une probable complicité interne, mais les canaux ne sont pas réapparus.
- L’Association Touristique d’Haïti (ATH) a dénoncé un abandon flagrant du patrimoine et une gestion catastrophique. Aucun plan de protection, aucune surveillance.
« Comment peut-on parler de relance touristique quand le citoyen moyen n’ose même plus sortir explorer son propre pays ? » — Une guide touristique du Sud interrogée par Le Quotidien 509
Quant au tourisme local, il est totalement ignoré. Qui peut encore se permettre une escapade dans le Sud, aujourd’hui isolé de Port-au-Prince ? Qui peut oser visiter le Plateau Central, les plages du Nord sur la côte des Arcadins ou les sites du Grand Sud, quand des routes sont coupées, des passagers enlevés, des véhicules incendiés ? À défaut de sécurité, même la contemplation de la nature devient un luxe inaccessible.
Dans tout le pays, les sites culturels et naturels sont abandonnés, sans gardiennage, sans cadre légal, sans signalisation, et désormais à la merci des gangs. Notre rédaction a dénoncé dernièrement l’Etat des eaux thermales (sources chaudes) à Anse rouge réputées pour leur valeur thérapeutique.
Il ne reste plus rien du tourisme intérieur. Le « touriste local » n’est même pas évoqué dans les plans officiels. Et les rares investisseurs privés s’en vont, remplacés par des intérêts dominicains, qui reprennent discrètement les contrats de croisière annulés à Haïti.
Pendant ce temps, les ministres communiquent, les projets s’accumulent sur le papier… et la Citadelle s’effondre en silence. Les ministères de la Culture, du Tourisme et même de l’Education sont à genoux devant l’insécurité.
Où est donc la feuille de route de la transition !
La rédaction

