Haïti achève l’année avec de nouvelles litanies de tueries et des défis considérables ! En dépit de sévères confrontations politiques, économiques et humanitaires, les groupes armés plongent la population dans une spirale de violence et de terreur quotidienne difficile à mesurer. Avec le politologue haïtien Jacques Nesi, politologue à l’Université des Antilles et chercheur associé au Laboratoire caribéen de sciences sociales, au micro sur la RFI, ils reviennent sur les principaux événements qui ont marqué Haïti en 2024.
Un bilan tragique, des centaines de milliers de déplacés, la moitié de la population en insécurité alimentaire et l’annonce des élections pour fin 2025 paraît de plus en plus illusoire. L’analyste politique s’accentue sur l’absence d’une volonté politique transparente pour freiner l’ascension des gangs. L’inaction de la communauté internationale, principalement des États-Unis, beaucoup plus centrée sur leur propre évolution politique, contribue à l’extension du chaos dans le pays. Quant aux autorités, elles semblent incapables de mettre au point des stratégies et une réaction adéquate aux urgences sécuritaires.
Les efforts déployés par les autorités et les tentatives de la police et de l’armée de reconquérir certains territoires face à la fureur des gangs, repoussant chaque jour les limites, semblent vains. Jacques Nesi pose davantage comme hypothèse une bataille de communication qu’une réelle avancée sur le terrain. Le Conseil présidentiel de transition, mis en place pour stabiliser le pays, est complètement impotent et inefficace depuis huit mois, ce qui alimente l’impression d’un effondrement complet de l’État. Les priorités des dirigeants semblent plus orientées vers l’organisation des élections, l’accumulation massive de richesses et la répartition des postes de pouvoir que vers la résolution des problèmes de sécurité.
L’ampleur politique de l’urgence sécuritaire.
Monsieur Nesi souligne également la médiocrité du bilan de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) soutenue par les États-Unis. Le politologue critique la disponibilité insuffisante des ressources de la MMAS pour contrer et limiter la puissance des gangs, ce qui reste marquant dans l’opinion publique haïtienne d’aujourd’hui. Des infrastructures vitales, comme le plus grand hôpital privé de Port-au-Prince, ont été incendiées malgré la présence de la police. Cette mission kényane, loin d’apporter des solutions durables, semble surtout retarder la confrontation directe avec l’organisation d’une économie criminelle qui dépasse largement les frontières haïtiennes.
Les groupes armés ambitionnent le pouvoir.
Jacques Nesi évoque aussi la dimension politique de cette crise sécuritaire. Les gangs, qui étaient initialement des outils de répression et d’influence électorale pour certaines forces politiques, affichent désormais des visées de pouvoir. Certains expliquent qu’il y a des alliances souterraines avec quelques acteurs politiques, des gangs qu’ils ont financés et protégés, déclarent-ils. Le Conseil présidentiel de transition, issu d’un accord en avril dernier, est miné par des luttes internes et une corruption généralisée, rendant toute perspective d’élections crédibles en 2025 peu réaliste. Selon Jacques Nesi, la priorité devrait être de rétablir la sécurité avant d’envisager des élections. Cependant, l’indifférence de la communauté internationale, notamment des États-Unis, complique encore davantage une issue à la crise.
Avec RFI