New York, 2 juillet 2025 – « La situation sécuritaire en Haïti continue de placer le pays et ses habitants au bord de l’abîme », a alerté Miroslav Jenča, Sous-Secrétaire général des Nations Unies, lors d’un exposé bouleversant devant le Conseil de sécurité. L’intervention a mis en lumière l’ampleur de l’effondrement étatique haïtien, la montée en puissance des gangs armés et l’inefficacité de la réponse internationale actuelle, notamment celle des Nations Unies.
Le constat est accablant. Malgré la mise en place de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), appuyée par le Kenya, la situation sécuritaire se dégrade. La MMAS opère à moins de 30 % de ses capacités à cause d’un déficit de financement de 52 millions de dollars. Cette réalité a poussé plusieurs délégations à exprimer leur préoccupation face à l’inaction prolongée du Conseil. Le Kenya s’est toutefois félicité de quelques succès en sécurisation de bâtiments publics.
Il a été souligné à plusieurs reprises que sans rétablissement de la sécurité, il ne pourrait y avoir de progrès dans le processus de transition politique. Les élections de 2026 paraissent de plus en plus irréalistes face à la prise d’un pouvoir parallèle des gangs en Haïti et la dégradation progressive de la situation humanitaire, s’est notamment inquiétée la délégation russe.
De son côté, M. Jenča a tenu à saluer les efforts déployés dans ce contexte brûlant par le Conseil électoral provisoire. Avec le soutien du BINUH et d’autres partenaires des Nations Unies, ce Conseil a pu poursuivre les préparatifs pour achever la révision constitutionnelle et organiser des élections en février 2026, conformément aux délais fixés par l’accord d’avril 2024, a-t-il noté avec satisfaction.
Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a proposé la création d’un bureau d’appui logistique des Nations Unies à la MMAS, dans le but de mieux articuler l’action politique du BINUH avec la réponse sécuritaire. Cette approche « hybride », encore au stade de suggestion, serait, selon lui, la seule issue à court terme pour enrayer l’effondrement total de l’État haïtien.
Mme Ghada Waly, directrice exécutive de l’ONUDC, a livré un constat glaçant :
« Ce qui était déjà une situation grave est en train de dégénérer davantage. »
Elle affirme que 90 % de la capitale Port-au-Prince sont aujourd’hui sous le contrôle de gangs armés. Les zones environnantes et même des régions du nord et du centre du pays sont également tombées aux mains de groupes criminels.
Depuis janvier, plus de 4 000 personnes ont été tuées, dont de nombreux femmes et enfants. L’emprise des gangs sur la vie quotidienne est telle que certaines zones voient émerger des formes de gouvernance parallèle, où l’État est totalement absent.
« La commune de La Chapelle, dans l’Artibonite, a vu fuir près de 9 000 habitants après une attaque le 22 juin », a souligné Miroslav Jenča.
La Russie et la Chine ont appelé à réévaluer le mandat du BINUH et à mieux cibler les mécanismes d’appui à la justice haïtienne, notamment pour freiner l’entrée illégale d’armes sur le territoire.
« L’avenir d’Haïti est inextricablement lié à celui de notre région. »
Elle a souligné les efforts continus du Groupe de personnalités éminentes (GPE) de la Communauté pour accompagner le peuple haïtien dans sa quête de paix, de stabilité et de prospérité, le représentant a noté que la résolution récemment adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des États américains soulignait à juste titre le caractère multiforme des défis sécuritaires et politiques à relever en Haïti.
Le représentant dominicain, de son côté, a mis l’accent sur les répercussions migratoires régionales de l’effondrement haïtien.
« Haïti est le principal protagoniste de la gestion de cette crise », a déclaré de son côté le délégué haïtien Eriq Pierre, qui a ainsi reconnu qu’il appartient aux dirigeants de son pays de trouver les voies et moyens « pour sortir de ce bourbier, avec l’assistance de la communauté internationale ».
Sur ce dernier point, le représentant a souhaité que la composante DDR (désarmement, démobilisation et réintégration) du BINUH soit tout particulièrement renforcée. « S’agissant du régime de sanctions du Conseil, nous attendons le soutien ferme d’un BINUH plus fort, permettant une meilleure appropriation de ce régime par la justice haïtienne, notamment à travers le contrôle des frontières pour y limiter l’arrivée des armes et des munitions qui alimentent les gangs », a-t-il aussi dit.
« Nous ne devons pas laisser tomber Haïti à ce moment critique », a insisté Miroslav Jenča.
« Les options que nous avons aujourd’hui coûteront bien moins que le prix d’un effondrement total de l’État. Il n’y a plus une minute à perdre. »
Des paroles fortes, mais dont la mise en œuvre concrète reste incertaine. Pendant ce temps, la population haïtienne paie chaque jour le prix de cette lenteur internationale, entre massacres, déplacements, insécurité et pauvreté extrême.
Fin