Pétion-Ville, le 3 juillet 2025 – Une nouvelle étape vient d’être franchie dans le partenariat entre Haïti et l’Union européenne en matière d’éducation. Ce jeudi matin, une convention de financement a été officiellement signée dans les locaux de la Délégation de l’Union européenne à Pétion-Ville. Ce document marque le lancement de la deuxième phase du programme « Éducation pour vivre ensemble », un ambitieux projet axé sur la qualité, l’inclusion et la résilience du système éducatif haïtien.
Face à une crise éducative exacerbée par l’insécurité, les catastrophes naturelles et les inégalités d’accès, ce programme financé par l’Union européenne vise à renforcer l’éducation de base, tout en promouvant la cohésion sociale. La signature de cette seconde phase vient prolonger les efforts déjà amorcés, dans le cadre de la continuité d’une convention d’un montant de 18 millions d’euros, répartis en deux phases successives – la première ayant été lancée en décembre 2023, et la seconde phase actuelle dotée d’un financement de 8 millions d’euros.
Le programme s’inscrit dans la continuité des actions visant à améliorer l’accès à l’école, la qualité de l’enseignement et l’inclusion des enfants marginalisés, notamment les filles, les enfants en situation de handicap ou vivant dans des zones reculées ou à risques. Il se concentre dans le département du Nord’Est.
Selon les autorités concernées, cette nouvelle phase permettra notamment :
- La rénovation et la construction d’infrastructures scolaires résistantes aux aléas naturels ;
- La mise en œuvre de programmes de formation technique et professionnelle adaptés aux réalités locales ;
- Le renforcement des capacités de gestion et d’évaluation du système éducatif, via un appui technique au ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) ;
- L’intégration de modules d’éducation citoyenne et à la paix, pour promouvoir le vivre-ensemble dès le plus jeune âge.
Plus de 300 000 élèves sont appelés à bénéficier directement de cette initiative, qui ciblera en priorité les départements les plus vulnérables, notamment celui du Nord-Est.
Lors de la cérémonie, le ministre de l’Éducation nationale, Antoine Augustin, a tenu à rappeler que l’école haïtienne traverse une profonde remise en question, liée à la crise globale que vit le pays :
« Il y a une remise en cause du modèle traditionnel. L’école haïtienne doit redevenir une source d’oxygène et d’espérance pour la jeunesse, qu’elle soit en milieu rural ou urbain. »
Il plaide pour une école plus enracinée dans les réalités des communautés, véritable levier d’inclusion sociale. Pour lui, ce programme marque un saut qualitatif dans la manière de concevoir l’éducation comme vecteur de transformation nationale.
De son côté, le ministre de l’Économie et des Finances, Alfred Métellus, a rappelé que les coûts de l’éducation représentent jusqu’à 40 % des dépenses des familles haïtiennes, freinant leur autonomie économique. Il a affirmé :
« L’État a l’obligation de tout mettre en œuvre pour garantir une éducation de qualité, gratuite et universelle, notamment dans les classes fondamentales. »
Il a également souligné la nécessité de former les enseignants, leur fournir des outils pédagogiques adéquats et ouvrir des écoles dans les sections communales non desservies. Le programme prévoit ainsi de scolariser 40 000 enfants supplémentaires et de former plus de 3 000 enseignants, en mettant l’accent sur une meilleure répartition territoriale des ressources et aussi en responsabilisant les structures départementales. Le Ministre a aussi informé que l’Union Européenne a une enveloppe de 100 millions d’euros pour Haïti.
La cérémonie s’est tenue en présence de l’ambassadeur de l’Union européenne en Haïti, Son Excellence M. Stefano Gatto, qui a salué la résilience des familles haïtiennes :
« Haïti est l’un des rares pays où, malgré tant d’obstacles, la population continue de croire dans l’avenir à travers l’éducation. C’est une force difficile à expliquer, surtout quand on ne voit le pays qu’à travers les images négatives diffusées dans les médias. »
Dans une remarque symbolique, l’ambassadeur Gatto a noté que même les gangs, en reprenant le nom « Viv Ansanm », semblent reconnaître — malgré leur violence — que seule la logique du vivre-ensemble peut constituer une solution durable pour Haïti. Il a aussi déploré que les écoles soient prises pour cible.
Charles Jean Jacques, l’Ordonnateur National, a exprimé sa profonde gratitude envers l’Union européenne et ses États membres, notamment la France et l’Espagne, pour leur appui constant au secteur éducatif.
« Ce programme dépasse le simple soutien financier. Il incarne une vision partagée d’une école publique équitable, résiliente, et enracinée dans les communautés. Il arrive à un moment critique et témoigne d’une confiance renouvelée dans notre capacité à rebâtir ensemble. »
Il a salué le choix de décentraliser les dépenses et de répartir les allocations par département, comme un pas essentiel vers l’autonomie des territoires éducatifs.
La rédaction