Le 2 mai 2025, un communiqué, signé par les représentants des accords du 21 décembre et du parti EDE a salué avec emphase la décision des États-Unis de classer les gangs haïtiens “Viv Ansanm” et “Gran Grif” comme organisations terroristes internationales.
Les signataires – André Michel, Pascal Adrien, Claude Joseph et Claude Édouard ont qualifié cette décision de l’Administration Donald Trump comme un acte d’« historique », présenté comme une réponse directe à leur propre requête diplomatique adressée en janvier dernier à Washington.
Mais que cache réellement cet enthousiasme ? Une victoire pour Haïti ? Ou bien un écran de fumée politique destiné à masquer une lecture trop simpliste – voire irresponsable – des conséquences de cette décision ?
Car si cette désignation répond à un besoin évident de reconnaissance de la gravité des crimes commis par ces groupes armés, elle est loin d’être une panacée. Derrière l’effet d’annonce, les risques sont nombreux et bien réels.
Plusieurs élus américains, dont les membres du Congrès Gregory Meeks et Sheila McCormick, ont récemment exprimé leur vive inquiétude quant à l’impact humanitaire de ce classement. Ils rappellent que ce type de désignation entraîne automatiquement des sanctions juridiques et financières, susceptibles de freiner voire bloquer le travail des ONG et agences humanitaires opérant en Haïti. « Si l’aide ne peut plus atteindre 85 % de Port-au-Prince ou le département de l’Artibonite, ce sont les Haïtiens – et non les gangs – qui en paieront le prix », préviennent-ils avec justesse.
Les effets collatéraux sont déjà visibles. Des programmes de santé vitaux, comme celui de la Prestation de services de santé améliorés, qui bénéficiaient à plus de trois millions de personnes, dont 20 000 vivant avec le VIH, sont en voie de démantèlement partiel faute de financement sécurisé.
Avec cette classification, la population haïtienne se voit aujourd’hui menacée dans ses droits les plus élémentaires : soins, alimentation, transferts familiaux.
L’économie parallèle de la diaspora est également en danger. Comme le souligne Vanda Felbab-Brown, chercheuse à la Brookings Institution, ce classement pourrait dissuader les banques, Western Union et autres opérateurs de transferts financiers de continuer à opérer vers Haïti, par peur de sanctions a rapporté le Miami Hérald.
C’est un coup fatal à une économie déjà exsangue.
Et pourtant, dans leur texte, les signataires évitent soigneusement ces questions. Ignorance, peut-être, quête de visibilité personnelle, à ne pas écarter. Ils préfèrent mettre en avant leur « correspondance du 24 janvier », comme si cette décision leur appartenait, occultant volontairement les enjeux diplomatiques et stratégiques plus larges. Aucun mot sur la coordination nécessaire avec les acteurs humanitaires, aucune mention des effets concrets pour les déplacés, les malades, les enfants sans école, les mères sans ressources. L’appel final à « terrasser » les gangs relève plus de la rhétorique martiale que d’un appel à une action planifiée, intelligente et inclusive.
Désigner des groupes comme terroristes est une décision lourde, aux répercussions multiples. Elle ne doit pas être applaudie comme un trophée, mais analysée, encadrée, accompagnée. Sans cela, ce sont les innocents qui paieront les frais d’un symbolisme politique mal pensé.
Dans cette lutte pour la sécurité, les vrais actes doivent dépasser les effets d’annonce. Et le courage politique ne consiste pas à signer des communiqués triomphants, mais à anticiper les conséquences d’une décision et à agir pour protéger chaque citoyen haïtien, sans distinction.
Le temps et l’histoire auront donc rendez-vous avec les représentants des accords du 21 décembre et du parti EDE dont André Michel, Pascal Adrien, Claude Joseph et Claude Édouard.
Ce communiqué engage-t-il Dr Gérald Gilles qui représente l’Accord du 21 Décembre au sein du Conseil présidentiel de transition ?
La rédaction