Port-au-Prince, le 28 août 2025 – Dans une correspondance en créole adressée à Laurent Saint-Cyr, président du Conseil présidentiel de transition (CPT), l’ancien Premier ministre et président du Comité Pilotage de la Conférence Nationale, Enex Jean-Charles, a remis le projet de Constitution et un rapport de plus de 1 400 pages retraçant le processus de réforme. Mais ce dépôt, loin d’apaiser le climat politique, soulève de sérieuses interrogations : difficultés d’exécution, doutes financiers, et surtout, absence de consensus.
Un travail mené dans un climat chaotique
Jean-Charles décrit un pays en pleine asphyxie :
• insécurité généralisée, forçant des milliers de familles à fuir ;
• déplacements impossibles, qui ont limité les dialogues nationaux ;
• manque de moyens logistiques et techniques, retardant les travaux.
Malgré tout, le comité affirme avoir livré un texte qui pourrait servir de base à la sortie de transition, en appelant le CPT à envisager un référendum comme prévu par le décret du 17 juillet 2024.
Des moyens financiers controversés
Si Enex Jean-Charles insiste sur le manque de moyens, des faits viennent nuancer ce discours :
• Il a lui-même confirmé que les membres du comité touchaient 700 000 gourdes par mois en jetons de présence ;
• Les financements passaient par un basket fund géré par le PNUD, avec un budget global estimé à 5 millions de dollars ;
• Une rumeur persistante sur un premier décaissement de 50 millions de gourdes pour le lancement du projet n’a jamais été clarifiée.
À cela s’ajoute la non-relance du site internet officiel du comité, critiqué par notre rédaction pour son amateurisme, ses failles majeures et fautes politiques graves. Doit-on parler de reddition de comptes même pour un site internet ? Avions-nous eu raison d’intituler notre article « Comité de pilotage : un site web qui trahit une ambition constitutionnelle ».
Une œuvre sans véritable adhésion
Jean-Charles reconnaît que le projet n’a pas su créer l’unanimité :
• Une partie des acteurs souhaite un référendum direct ;
• D’autres exigent une Assemblée constituante pour retravailler le texte ;
• Un petit groupe reste attaché à la Constitution de 1987.
Résultat : un projet massif, mais loin de constituer une base de ralliement national.
Entre appel spirituel et incertitude politique
Dans une formule symbolique, Enex Jean-Charles en appelle à l’architecte de l’Univers « Gran Achtèk Linivè a ak Lespri Gran Zansèt Nou Yo » pour éclairer la décision du Conseil présidentiel. Un signe que, malgré le volume du travail accompli, le projet constitutionnel reste un chantier ouvert, dépendant désormais d’une décision politique : référendum, Assemblée constituante ou statu quo.
Le CPT face à une équation lourde
Avec ce dépôt, le Conseil présidentiel hérite d’un projet constitutionnel contesté, entaché de doutes financiers et incapable de fédérer la société. Plus qu’un aboutissement, la correspondance d’Enex Jean-Charles ressemble à un passage de témoin – ou à une manière de s’en laver les mains.
La rédaction


