Le Secrétariat Général de la Présidence (SGP), sous la signature de Marie E. Régine Joseph Haddad, a publié le 28 octobre 2025 un communiqué déclarant le mercredi 29 octobre « journée de chômage » sur toute l’étendue du territoire national, en raison du passage de l’ouragan Melissa.
Cette décision prétendument fondée sur des instructions du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), visait à « anticiper et limiter les impacts de l’ouragan » sur la population.
Un acte présenté comme une mesure de précaution, mais qui, sur le plan juridique, constitue une usurpation d’attribution et un acte illégal.
Qui a donc obligé, Mme Régine Haddad, reconnue pour ses principes et sa rigueur à signer un tel communiqué?
Un communiqué sans base légale
Selon les principes fondamentaux du droit administratif haïtien, une telle décision ne peut être prise qu’en Conseil des ministres à publier dans Le Moniteur.
Le communiqué signé par Mme Haddad ne repose sur aucun de ces fondements.
Il s’agit donc d’un acte nul de plein droit, sans valeur juridique, qui traduit une légèreté institutionnelle inacceptable au sommet de l’État — une véritable désinvolture juridique en pleine crise nationale.
D’un point de vue légal, toute personne lésée par cette décision — entreprise, institution opérant sur Haïti ou particulier — pourrait assigner l’État haïtien pour réparation des dommages subis.
La question cruciale demeure : au nom de qui parlait Mme Haddad ? Le Conseil Présidentiel avait-il réellement délibéré ? Ou s’agit-il d’une initiative isolée, prise sans autorisation formelle du chef de l’exécutif collégial ?
Laurent Saint-Cyr : le grand absent du pouvoir
Dans cette affaire et même dans la saisie cyclonique, l’absence du Coordonnateur du CPT, Laurent Saint-Cyr, choque et interroge.
Aucune prise de parole, aucune visite symbolique, aucune instruction publique : le pays traverse une tempête, et son premier dirigeant semble totalement détaché de la détresse nationale. Cette froideur donne l’impression d’un Coordonnateur indifférent au sort de son peuple.
Pendant que Fritz Alphonse Jean et Leslie Voltaire se montrent actifs dans la coordination et la communication, Laurent Saint-Cyr demeure invisible.
Selon plusieurs sources, il préparerait un voyage à Doha (Qatar) pour la fin de la semaine — une perspective moralement indéfendable et politiquement suicidaire dans un tel contexte.
D’autres vont plus loin et avancent qu’il serait déjà à l’extérieur du pays, fidèle à son image de voyageur #1 du CPT, distant et insaisissable.
Une mesure précipitée, sans nuance ni plan d’action
Au moment où le communiqué a été publié, Melissa n’était plus un ouragan de catégorie 5, mais déjà redescendu au niveau 4 (confirmé par Rudy Méteo), après avoir ravagé la Jamaïque. Quoi qu’il existait des cellules orageuses et une tendance de fortes pluies sur certains départements.
Sans nuance, la Secrétaire Générale a ordonné la fermeture généralisée du pays, y compris dans des zones non concernées : écoles, banques, commerces et institutions publiques.
Résultat :
- des entreprises paralysées,
- des pertes économiques importantes,
- des salaires et heures supplémentaires imposés,
- des non-comparutions devant les tribunaux,
- des services vitaux interrompus, alors que des citoyens pouvaient avoir besoin d’accéder à leurs fonds pour des urgences médicales,
- des personnels médicaux mis au chômage dans un moment d’urgence,
- Une machine judiciaire mis au repos.
Le ministre de l’Éducation nationale, Antoine Augustin, a même enfoncé le clou en annonçant que les écoles resteraient fermées « à nouvel ordre », tout en suggérant un enseignement virtuel pour certaines écoles qui peuvent se le permettre avec leurs élèves. Une confusion de plus dans une gestion déjà chaotique.
Depuis le 22 octobre, lorsque Melissa a commencé à se former dans les Caraïbes, aucune campagne de communication de masse, aucun nettoyage des égouts, aucune opération de dégagement d’arbres dangereux n’a été initiée. Aucune action civique mis en branle, aucun communiqué du ministère de la Défense et des forces armées d’Haïti qui joue en rôle majeur dans les moments de crise environnementale du pays et encore moins un communiqué de la PNH, voire du BSAP (Brigadier de l’environnement). Tout laisse penser que l’État n’a rien anticipé — ni la montée des eaux, ni le débordement des bassins versants.
Cette décision administrative juridiquement contestable n’a rien protégé : elle a simplement créé une paralysie nationale, au moment même où les efforts auraient dû se concentrer sur les zones à risque et laisser la vie se poursuivre là il n’y avait aucun danger concret. Une fois encore, le pouvoir s’est comporté comme si l’Ouest était le seul département du pays.
Entre retrait, silence et confusion au sommet
Curieusement, le PM Alix Didier Fils-Aimé donne l’impression de se détacher (Lui-même) de la Gestion de l’Ouragan ? Malgré les rencontres avec Leslie Voltaire et les déclarations des Directeurs Généraux compétents en la matière, il ne s’est pas mis sous les projecteurs, donnant l’impression de télécommander ce qu’il peut, en retrait.
Doit-on penser que la guerre des fonds à décaisser, des contrôles des kits et du marché économique naturel qu’engendre le passage des cyclones est lancée au sein du pouvoir?
Pendant ce temps, Leslie Voltaire qui contrôle le ministère des travaux publics (MTPTC) multiplie les séances de travail avec la Protection civile, le ministère de l’Intérieur, le Premier Ministre Fils-aimé et certains membres du gouvernement, donnant l’impression qu’il assume de facto la coordination nationale, en l’absence du coordonnateur du CPT, Laurent Saint-Cyr.
Un scénario qui alimente déjà les spéculations sur ses ambitions politiques futures. Voltaire est-il en campagne pour quelqu’un? Pour le candidat de Fritz Jean, par exemple ? ou Pour un membre du secteur Privé ?
Le ministère de la Communication et les médias de l’Etat absents
De plus, La TNH, censée informer et rassurer la population, est restée invisible sur le terrain, laissant circuler rumeurs et vidéos manipulées sans contre-discours officiel.
Pendant une semaine, aucun message clair sur la situation dans le Sud et la Grand’Anse, où des localités entières étaient isolées et sous les eaux. Aucune campagne de communication dans les zones affectées et ciblées. Qui dirige le ministère de la Communication? Qui dirige le TNH ? La Radio Nationale d’Haïti existe t-elle toujours? Les habitants du Grand SUD ont été livrés.
Ce n’est qu’à l’approche de Port-au-Prince que les autorités se sont soudainement activées — trop tard et trop maladroitement.
Zéro Plan concret
La Protection civile a diffusé quelques photos et fait des publications montrant une certaine collaboration avec les agences humanitaires des Nations-Unies. Même dans les images officielles, l’absence d’une mise en oeuvre d’un plan d’intervention solide n’est pas au rendez-vous. Aucun déploiement interinstitutionnel entre les ministères de l’Environnement, de la Jeunesse ou de l’Intérieur.
Les bassins versants et zones à risque sont laissés sans surveillance. Qu’a fait le ministère de l’Environnement de l’argent de son budget national?
L’État se limite à informer qu’il va distribuer quelques kits alimentaires et à faire des transferts MonCash et Natcash. Or, l’urgence est aussi pouvoir sauver les vies d’abord.
La prévention, la formation civique et la coordination institutionnelle ont été remplacées par une communication politique désordonnée, juridiquement vide et humainement absente.
Un avocat qui a requis l’anonymat nous a confirmé que “Sur le plan du droit, le communiqué du 28 octobre 2025 ne crée aucune obligation et ne produit aucun effet juridique. Non adossé à un arrêté ni validé par le Conseil des ministres, il constitue un acte administratif inexistant — le reflet d’une gouvernance fondée sur l’improvisation et l’absence de méthode”.
Mais au-delà du droit, ce communiqué illustre l’effondrement symbolique de l’État :
Un exécutif fragmenté, des dirigeants absents, une hiérarchie ignorée, et une population laissée seule sous la pluie et les décombres.
L’ouragan Melissa a révélé les failles physiques du pays ; Le communiqué du Secrétariat Général, lui, a mis à nu la tempête institutionnelle qui ravage déjà l’administration haïtienne.
Brigitte Benshow
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