La nouvelle de la mort de José Alberto « Pepe » Mujica a provoqué une onde de choc en Amérique latine et dans le monde. L’ex-prisonnier et ancien guérillero, devenu chef d’État, était considéré comme le président le plus pauvre de l’Amérique. Pour le cinéaste haïtien Arnold Antonin, cet homme aurait bien inspiré les dirigeants de la transition en Haïti dans le contexte actuel.
Mujica donnait 90 % de son salaire à des œuvres caritatives en faveur des plus défavorisés et il refusait les privilèges liés à sa fonction.
Les dirigeants haïtiens se la coulent douce grâce aux maigres fonds du Trésor public, dans un pays où la plupart des activités économiques sont asphyxiées par une crise sécuritaire aiguë.
Certains membres du Conseil présidentiel de transition sont accusés de corruption et, avec la complicité de leurs collègues, ils peuvent échapper à la justice pendant que plus de la moitié de la population haïtienne lutte quotidiennement pour se nourrir. Il s’agit de l’une des proportions les plus élevées de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë à travers le monde.
Pendant ce temps, les dirigeants haïtiens guettent avec indécence toute opportunité de s’en mettre plein les poches. Les neuf conseillers-présidents s’octroient chacun des privilèges liés à la fonction de président. Leurs proches occupent les couloirs de l’administration publique, notamment les ministères, les directions générales et la diplomatie.
Des voyages jugés « inopportuns » sont réalisés avec les maigres fonds publics. Des dépenses farfelues sont enregistrées. On se souvient des 3,5 millions de dollars décaissés pour une visite de moins d’une journée du président colombien, Gustavo Petro, à Jacmel.
On n’oublie pas l’acharnement du CPT à organiser un carnaval, par respect, disait-on, pour la tradition, alors que la misère est partout en Haïti. Un carnaval qui a finalement été annulé à la dernière minute, ce qui a permis, dit-on, d’avoir le temps de faire des décaissements importants.
Aujourd’hui, on évoque une enveloppe comprise entre 300 et 400 millions de gourdes pour organiser les cérémonies officielles devant marquer le 222e anniversaire du bicolore haïtien, dans le Nord, et bien loin de la Cité du Drapeau, l’Arcahaie.
Qu’aurait fait Mujica, selon Antonin ? Il aurait utilisé cet argent, comme tant d’autres, pour adresser les problèmes des déplacés internes vivant dans les camps. Il les aurait sans doute utilisés pour aider les forces de l’ordre dans le cadre de la lutte contre l’insécurité, croit Arnold Antonin, l’auteur du film « Pepe Mujica, Nelson Mandela et Haïti ».
Mujica aimait son peuple et sa mort, dit-il, est une perte pour les mouvements de gauche et révolutionnaires de l’Amérique latine. Il avait montré un intérêt certain pour Haïti.
Arnold Antonin rappelle que le défunt président avait dédommagé le peuple haïtien avec une enveloppe de plus de 3 millions de dollars américains lorsque des soldats uruguayens, membres de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah), avaient été accusés de viol sur un jeune Haïtien.
C’était un personnage central de la lutte pour la transformation de l’Amérique latine et l’intégration des pays, soutient Antonin, qui croit que les dirigeants haïtiens auraient pu apprendre beaucoup de cet homme qui est parti mardi, à 89 ans.
La rédaction