En 2024, Haïti s’est hissé au rang de principal bénéficiaire de l’aide américaine en Amérique latine, selon un rapport récent publié par l’organisation Insight Crime. Ce soutien, estimé à plus de 466 millions de dollars, a été alloué à une série de projets, principalement humanitaires, visant à soulager les communautés frappées de plein fouet par la montée de la violence des gangs.
L’aide américaine
Parmi les fonds alloués, environ 89 % ont été administrés par l’USAID, l’agence de développement international des États-Unis. À cela s’ajoutent les 189 millions de dollars décaissés depuis 2021 pour soutenir la professionnalisation de la Police nationale d’Haïti (PNH), ainsi que l’engagement américain de 380 millions de dollars en faveur de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), dirigée par le Kenya.
Mais le soutien américain ne s’est pas fait sans turbulences : début 2024, l’administration Trump a ordonné un gel temporaire de 13 millions de dollars destinés à la MMAS, dans le cadre d’un moratoire général de 90 jours sur l’aide étrangère. Ces fonds ont depuis été débloqués, mais Washington a averti qu’il n’était plus question pour les États-Unis de supporter seuls cette charge financière, appelant les autres États à contribuer équitablement.
Le Canada
Le Canada s’est également affirmé comme un acteur central dans le soutien sécuritaire et humanitaire à Haïti. Depuis 2022, Ottawa a annoncé plus de 400 millions de dollars dans divers programmes d’aide. En février 2024, la ministre Mélanie Joly a annoncé un financement additionnel de 123 millions, dont 80,5 millions pour appuyer directement la mission multinationale et 42,5 millions pour des projets structurants : renforcement de la PNH, équipement, lutte contre la violence sexuelle liée aux gangs, gouvernance, justice et contrôle des frontières.
En juin 2024, un appui complémentaire de 5,7 millions de dollars est venu étoffer le Fonds d’affectation spéciale de l’ONU pour la mission MAS, s’ajoutant aux financements déjà annoncés. Le Canada a aussi soutenu trois projets ciblés dans le cadre des 100 millions promis par Justin Trudeau en 2023.
La France
La France a également accru son appui sécuritaire à Haïti. Elle fut le premier pays à contribuer au fonds fiduciaire de la MMAS avec 5 millions d’euros, dont 3 millions en 2023 et 2 millions en 2024. Elle a aussi versé 1 million d’euros par an en aide bilatérale à la PNH, financé la formation linguistique des forces déployées via l’OIF (1,75 million d’euros), et alloué 750 000 euros à un projet d’assistance électorale.
Côté humanitaire, Paris a mobilisé 14,5 millions d’euros d’aide en 2024, notamment pour la sécurité alimentaire et l’appui à l’UNICEF, au HCDH et à diverses ONG. S’y ajoutent 7,2 millions d’euros pour le développement, via l’AFD et Expertise France, selon le rapport du Sénat Français.
Enfin, la France agit de concert avec ses partenaires européens pour accélérer le décaissement de 5 à 10 millions d’euros d’aide communautaire à destination de la MMAS.
Des centaines de millions investis, des résultats mitigés
Malgré ces financements importants, sans compter le budget de Guerre de l’Etat Haïtien, les résultats sur le terrain restent décevants. De l’avis d’experts, ni la PNH ni la MMAS ne sont actuellement en mesure de contenir ou de neutraliser les gangs lourdement armés. Leurs capacités sont freinées par un manque criant d’équipements, de formations et de ressources humaines.
Le 13 novembre 2024, l’ONU annonçait que le fonds fiduciaire de la MMAS atteignait 96,9 millions de dollars, notamment grâce à une promesse allemande de 10 millions d’euros. Une bonne partie de ce montant a cependant déjà été engagée sous l’administration Conille, sans résultats visibles à la hauteur des attentes.
📊 Bilan global (2022–2024)
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USA : plus de 466 M$ en 2024, + 189 M$ (2021–2024) pour la PNH
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Canada : +400 M$ canadiens, dont 86,2 M$ pour la MMAS
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France : environ 30 M€ cumulés, entre contributions MMAS, aide humanitaire, appui à la PNH et projets de développement
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ONU (nov. 2024) : Le fonds fiduciaire MMAS totalisait 96,9 M$, après la promesse de 10 M€ de l’Allemagne
Conclusion : une aide massive, une paix toujours insaisissable
Si le volume de montants déclarés témoigne d’un engagement réel de plusieurs pays en faveur de la sécurité haïtienne, il met aussi en lumière l’inefficacité persistante des stratégies de stabilisation dans un contexte de crise institutionnelle et de fragmentation sécuritaire extrême.
Le secrétaire d’État des États-Unis, Marco Rubio, a vivement interpellé, le 20 mai dernier, l’Organisation des États américains (OEA) sur son inaction face à la crise humanitaire et sécuritaire qui ravage Haïti. Devant la Commission des affaires étrangères du Sénat américain, il a appelé l’OEA à « faire un pas en avant » et à prendre les rênes d’une mission multinationale de stabilisation en Haïti.