Le gouvernement haïtien a annoncé, le mercredi 24 décembre 2025, le report de la date d’entrée en vigueur des nouveaux Codes pénal et de procédure pénale révisés, à l’issue d’un Conseil des ministres extraordinaire tenu par visioconférence.
Selon un communiqué de la Primature, cette séance spéciale était présidée par le président du Conseil présidentiel de transition (CPT), Laurent Saint-Cyr, en présence du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé. Par décret, les autorités ont décidé de repousser l’application des nouveaux textes et d’en organiser une mise en œuvre progressive, en plusieurs phases.
Le gouvernement justifie cette décision par la nécessité d’éviter toute insécurité juridique préjudiciable aux justiciables et de préserver le bon fonctionnement de l’État de droit. Toutefois, plus d’un observateur s’interroge sur l’urgence ayant motivé la convocation de ce Conseil des ministres extraordinaire, d’autant plus qu’il s’est tenu à distance, en pleine période des fêtes de fin d’année.
Ces questionnements sont renforcés par le fait que certains acteurs s’attendaient plutôt à des décisions concernant des changements au niveau de plusieurs directions générales de l’administration publique. Parmi les institutions citées figure notamment l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC), dont le directeur général, Hans Joseph, demeure une personnalité très controversée, malgré le soutien affiché de certains partenaires diplomatiques.
Le communiqué officiel précise néanmoins que ce report vise également à permettre au ministère de la Justice et de la Sécurité publique de se doter des dispositifs techniques et opérationnels nécessaires au pilotage, à la coordination et à la supervision de l’application ordonnée de ces textes fondamentaux.
Dans un contexte de transition politique et de fragilité institutionnelle, le CPT et le gouvernement affirment conjuguer leurs efforts afin de garantir la continuité de l’État de droit et le fonctionnement des institutions républicaines. Aucune nouvelle date précise n’a toutefois été communiquée, laissant planer des incertitudes sur le calendrier réel et sur la capacité du système judiciaire à absorber cette réforme majeure.
Un précédent en juin 2025 sous la présidence de Fritz Alphonse Jean
Il convient de rappeler que ce dossier n’est pas nouveau. Le 24 juin 2025, alors que Fritz Alphonse Jean assurait la présidence du Conseil présidentiel de transition, un Conseil des ministres extraordinaire avait déjà été convoqué dans un climat de fortes tensions politiques.
Lors de cette séance, deux décisions majeures avaient été adoptées :
- la ratification des décrets modifiant les textes de mars 2020 relatifs au Code pénal et au Code de procédure pénale, présentés comme une réforme destinée à moderniser le cadre légal haïtien, renforcer la protection des droits fondamentaux, lutter contre l’impunité et respecter les engagements internationaux du pays ;
- l’adoption du décret référendaire de 2025, inscrit dans le cadre de la réforme constitutionnelle prévue par l’Accord politique du 3 avril 2024, ouvrant la voie à l’organisation d’un référendum et, à terme, à des élections générales.
Cette séance avait également mis en lumière les tensions internes au sein du CPT. Le conseiller présidentiel Emmanuel Vertilaire, représentant du parti Pitit Dessalines, avait tenu à préciser publiquement qu’il participait au Conseil après autorisation expresse du directoire de son parti. Dans un message diffusé sur les réseaux sociaux, il avait mis en garde contre toute dérive autoritaire :
« Aucune volonté dictatoriale ne saurait supplanter l’exigence collective de dialogue, d’équilibre et de respect des principes démocratiques. »
De son côté, le président du CPT, Fritz Alphonse Jean, s’était exprimé en créole pour souligner l’importance symbolique et politique de cette étape :
« Nou ratifye kòd penal la ak pwosedi kòd penal la ke popilasyon an tap tann […]. Nou gen obligasyon pou nou mete bonjan dispozisyon legal pou peyi a. »
Six mois plus tard, le report annoncé en décembre 2025 vient rappeler combien la réforme de l’appareil judiciaire demeure un chantier sensible, pris entre impératifs juridiques, contraintes institutionnelles et fragilités politiques persistantes.
La rédaction
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