Après plusieurs semaines d’audiences consacrées à l’examen des appels déposés par les inculpés, la cour d’appel de Port-au-Prince a estimé que l’enquête menée par le juge Walter W. Voltaire ne permettait pas de faire toute la lumière sur les faits.
Les magistrats ont ainsi ordonné le 13 octobre 2025 un supplément d’enquête, destiné à recueillir tous les éléments à charge et à décharge, à obtenir des informations bancaires et téléphoniques des inculpés entre avril et août 2021, et à commettre des experts pour interpréter les données recueillies.
La cour a également exigé la recherche et l’arrestation des inculpés en cavale, tout en décidant de maintenir en détention ceux déjà incarcérés. La demande de main levée du mandat d’écrou présentée par Marky Kessa, Joseph Félix Badio et les 17 Colombiens impliqués a été rejetée, faute de garanties suffisantes.
Pour diriger ce nouveau volet de l’instruction, la cour a désigné le juge Cyprien Jn F. Denis Pierre, membre de la composition ayant rendu la décision.
Appels recevables et irrecevables
Dans sa décision, la cour, siégeant en chambre du conseil et statuant sur réquisitoire du ministère public, a déclaré irrecevable l’appel de Joverlein Moïse, fils du président assassiné, pour absence de récépissé du paiement de l’amende d’appel. L’appel de Léon Charles, ancien directeur général de la Police nationale d’Haïti, a également été jugé irrecevable pour défaut d’assignation.
En revanche, la cour a déclaré recevables les appels d’un ensemble d’inculpés, parmi lesquels Marky Kessa, Joseph Félix Badio, Louis Edner Gonzague Day, Jeantel Joseph, Claude Joseph, Martine Moïse, Renald Lubérice et plusieurs anciens responsables gouvernementaux, ainsi que les 17 ressortissants colombiens.
La décision a été prononcée par les juges Emmanuel Lacroix (président), Phémond Damicy et Cyprien Jn F. Denis Pierre, en présence des commissaires du gouvernement Claude Jean et Rocky Pierre, ainsi que du greffier Fleurimond Jean.
Claude Joseph : « Une ordonnance inique et bancale »
Le 25 juin 2025, Claude Joseph, lors de son audition, a vivement critiqué l’ordonnance rendue par le juge Walter Voltaire, qu’il a qualifiée d’« inique et bancale ». Selon lui, cette décision — impliquant plusieurs proches de l’ancien président, dont Martine Moïse, Ardouin Zéphirin et Renald Lubérice — aurait été inspirée par des motivations politiques plutôt que par la recherche de justice.
Claude Joseph a également affirmé qu’un ressortissant dominicain aurait déclaré que 20 millions de dollars avaient été investis dans le complot ayant conduit à l’assassinat du président, une information qu’il estime sous-évaluée par la justice haïtienne. Il faut se rappeler que Claude Joseph, au moment de l’assassinat du Président Moïse était Premier Ministre a.i. et Ministre des Affaires Etrangères du pays. Il devait faire la passation au Dr Ariel Henry comme Premier Ministre pendant la semaine du 7 juillet marquant aujourd’hui l’Assassinat du Président Moïse.
Martine Moïse entre rumeurs et engagement politique
Depuis l’assassinat de son époux, Martine Moïse reste une figure controversée. Certaines rumeurs affirment qu’elle aurait été séparée de Jovenel Moïse dès 2011, avant que l’équipe du PHTK ne la convainque de revenir pour renforcer l’image du couple présidentiel. Mme Moïse aurait également influencé en 2020 la nomination de Hans Joseph à la tête de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), qui est aujourd’hui son avocat à travers le Cabinet Expertus dont il est le fondateur.
Depuis 2021, elle se présente comme opposante au régime d’Ariel Henry, tout en multipliant les déclarations contradictoires sur la nuit du 6 au 7 juillet 2021 — ce qui alimente débats et polémiques.
Un dossier aux ramifications internationales
Le président Jovenel Moïse a été tué dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, lors d’une attaque menée par un commando armé composé d’anciens militaires colombiens. Plusieurs d’entre eux ont été abattus dans les heures qui ont suivi.
Certains inculpés ont été transférés ou jugés aux États-Unis, où plusieurs condamnations ont déjà été prononcées :
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Mario Antonio Palacios et Germán Rivera ont plaidé coupable de meurtre.
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Joseph Vincent, Joseph Joël John et Rodolphe Jaar ont également été condamnés par la justice américaine.
Claude Joseph, pour sa part, accuse « les oligarques haïtiens d’avoir assassiné Jovenel Moïse », dénonçant un complot d’élites économiques et politiques. Il a également rappelé que la révocation du commissaire du gouvernement Claude Bedford et de l’ancien ministre de la Justice Rockfeller Vincent aurait freiné la progression du dossier.
Rappel de l’Ordonnance du juge Walther W. Voltaire
Le 25 janvier 2024, le juge d’instruction Walther W. Voltaire avait rendu son ordonnance définitive dans le dossier de l’assassinat de Jovenel Moïse, survenu dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021 à Pèlerin 5.
Adoptant en grande partie les conclusions du réquisitoire du Commissaire du gouvernement daté du 17 janvier 2024, le magistrat avait statué sur plusieurs volets.
Le juge a constaté l’extinction de l’action publique pour cause de décès de Marie Jude Gilbert Dragon, Mauricio Javier Romero Medina, Duberney Capador Giraldo, Miguel Guillermo Garzon et Joseph Gérald Bataille, tout en annulant le mandat d’amener contre ce dernier.
En vertu du principe interdisant une double poursuite pour les mêmes faits, John Joël Joseph, James Solage, Joseph Vincent, Rodolphe Jaar, Angel Pretel Ortiz, Mario Antonio Palacios, Walter Veintemilla, Antonio Intriago et Germán Rivera García ont été exclus de la procédure haïtienne, car déjà jugés ou poursuivis à l’étranger.
Le juge a prononcé un non-lieu en faveur de plusieurs personnalités, dont Reynaldo Corvington, Dominick Cauvin, Antonio Chéramy (Don Kato), Paul Eddy Amazan, Renor Fontus, Pierre Osman Léandre, Prévot Mozart et Conrad Bastien, faute de charges suffisantes.
En revanche, le magistrat a estimé qu’il existait des charges concordantes contre 51 inculpés, parmi lesquels :
Christian Emmanuel Sanon, Joseph Félix Badio, Claude Joseph, Jean Laguel Civil, Dimitri Hérard, Léon Charles, Martine Moïse, Renald Lubérice, Louis Gonzague Day, Ardouin Zéphirin, ainsi que plusieurs anciens agents de sécurité et 17 ressortissants colombiens.
Ces derniers ont été renvoyés devant le Tribunal criminel de Port-au-Prince sans assistance de jury, pour être jugés pour :
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Association de malfaiteurs,
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Vol à main armée,
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Terrorisme,
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Assassinat et complicité d’assassinat.
Le juge Voltaire avait également ordonné que les inculpés soient pris de corps et écroués à la prison civile de Port-au-Prince, que les scellés soient maintenus sur la résidence du président assassiné, et que le dossier soit transmis au Commissaire du gouvernement pour exécution.
Une instruction jugée incomplète
Près de neuf mois plus tard, la cour d’appel de Port-au-Prince a jugé cette ordonnance incomplète et insuffisamment motivée, estimant que plusieurs zones d’ombre demeuraient.
La rédaction
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