La mort de Wilner Métellus, figure emblématique de la communauté haïtienne au Mexique, marque bien plus qu’un deuil : elle symbolise l’extinction progressive d’une génération de jeunes militants dont l’engagement profond avait un sens, une direction, une morale.
Originaire des Gonaïves, Wilner n’était pas simplement un étudiant dans les années 90 — il fut un leader dans une époque charnière, où l’avenir du pays oscillait entre démocratie espérée et dérive autoritaire. Face à la réaction néolibérale brutale des militaires et politiciens ayant repris les rênes après la chute de Jean-Claude Duvalier, Wilner incarna, avec d’autres, la résistance lucide et populaire. Il dénonçait les manipulations, les répressions, et les trahisons de ceux qui, au lieu de reconstruire, avaient préféré réinstaller la peur et le contrôle.
Son activisme l’a contraint à l’exil, comme tant d’autres jeunes porteurs d’espoir, dont l’ancien journaliste Ed Exil-Noel, qui vient de nous informer de son départ. Le coup d’État de 1991, qui renversa le président Jean-Bertrand Aristide, le força à fuir. Mais même loin d’Haïti, à Tecámac, au Mexique, Wilner n’a jamais cessé de se battre.
Titulaire d’un diplôme en agronomie et d’une maîtrise en sociologie rurale, il aurait pu vivre une vie tranquille, académique ou professionnelle. Mais il a préféré la lutte, la rue, les causes oubliées. Wilner Métellus est devenu la voix des sans-voix, le défenseur infatigable des migrants, notamment les Haïtiens, trop souvent abandonnés dans les limbes de la migration clandestine, de l’exclusion et du racisme.
Aujourd’hui, alors que sa disparition nous plonge dans la tristesse, une vérité s’impose : il n’existe presque plus de jeunes comme Wilner Métellus en Haïti. La jeunesse haïtienne, broyée par la pauvreté, la peur, et victime de la propagande, ne produit plus de Wilner. C’est là le vrai drame national.
Wilner Métellus était un homme de courage, de convictions et de sacrifice. Que son nom demeure, que son combat inspire. Et que son départ rappelle à Haïti, aux Gonaives, au Lycée Geffrard des Gonaives, ce qu’ils ont perdu : une génération qui croyait encore que le pays valait la peine d’être défendu.
Hérold Israel