Il y a des signes qui ne mentent pas. Lorsqu’un comité national chargé de piloter un processus aussi crucial que la réforme constitutionnelle met en ligne un site aussi pauvre, mal structuré et bâclé que www.constitution.ht, ce n’est pas qu’un raté technique : c’est un aveu de médiocrité politique.
Quelle image renvoie donc ce site du Comité de pilotage sur la Conférence nationale, présidé par l’ex-Premier ministre Enex Jean-Charles ? Pourquoi tant de précipitation pour mettre en ligne une plateforme aussi vide, alors même qu’on prétend inviter la nation à repenser sa Loi-mère ? Un projet constitutionnel déjà contesté exige rigueur, transparence et professionnalisme. Or, ce que nous montre ce site, c’est tout le contraire, c’est de la pacotille.
Sur les ondes de Scoop FM au cours de ce mois, le ministre sans portefeuille chargé des Affaires électorales Gracien Jean a exprimé une forme d’agacement envers ceux qui dénoncent l’opacité du processus. Il accuse les acteurs politiques d’avoir « mal saisi le temps ». Pourtant, au vu de la pauvreté du site mis en ligne, (l’habit ne fait pas le moine, mais il aide à le reconnaitre), on comprend que le comité lui-même n’a pas su gérer le sien et même dans un simple site internet.
Ce site aurait dû être à la hauteur de ce projet historique. À la hauteur de l’attente citoyenne, des constitutions passées et des crises présentes. Au lieu de cela, nous avons une plateforme vide, visuellement médiocre, sans aucune information structurante.
Peut-on sérieusement espérer une bonne constitution, si ceux qui sont censés la rédiger ne peuvent même pas livrer un site internet digne de ce nom ? (Une image vaut mieux que mille mots). Même le logo, censé contenir l’emblème national, est d’une qualité qui offense les yeux, voire les standards de l’État. Et pourtant, Haïti ne manque pas de professionnels compétents dans le domaine. Pourquoi alors toujours choisir la médiocrité ?
Si ce site est légitime, il pose problème. S’il ne l’est pas, il faut enquêter et le faire retirer, car il revendique l’autorité de la République.
Certains vont jusqu’à dire qu’Enex Jean-Charles aurait lui-même conçu le site, à la manière d’un blog personnel. Ce n’est plus simplement de l’amateurisme. C’est de la négligence d’État. On ne représente pas l’Etat en dilettante. Tant d’offenses que nous avions eues lors de l’interview lors de Fritz Jean sur le média dominicain Listin Diario avec le pot de pistache au fond, entre autres. Les responsabilités de l’Etat exigent une certaine tenue et un protocole de haut niveau.
Le site souffre de tous les maux : design approximatif, contenu inexistant, navigation confuse, opacité totale sur la composition du comité, absence de documents, de calendrier ou de consultation citoyenne. Rien n’inspire confiance. Pire : rien n’invite à la participation.
Et pourtant, Enex Jean-Charles, dans une interview sur Magik 9 le 24 janvier 2025, a indiqué que les membres du comité ne perçoivent pas de salaires, mais des “jetons” de présence pouvant aller jusqu’à 700 000 gourdes par mois. Le budget global pour la période août 2024 – janvier 2026 s’élèverait à 5 millions de dollars, gérés indirectement via un basket fund électoral, administré par des partenaires comme le PNUD. Le comité n’achète pas directement ; il fait des demandes, censées garantir la transparence.
Mais alors, où sont passés les moyens pour réaliser un site digne de ce nom ? Est-ce une question de budget, ou un choix stratégique délibéré pour garder la population à distance du processus ?
Le peuple haïtien mérite mieux qu’un site vitrine vide, sans âme, sans contenu. Il mérite une plateforme à l’image de ce que devrait être une Constitution : lisible, accessible, partagée, débattue.
En l’état, ce site n’est pas seulement une erreur de communication. Il est le reflet d’un projet en mal de légitimité, contesté dans sa méthode, sa forme et, désormais, son exécution.
L’Habit ne fait pas le moine, mais il aide à le reconnaitre.
La rédaction
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