Le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno a annoncé jeudi l’interdiction d’entrée sur le territoire tchadien des ressortissants américains, en réponse directe au décret migratoire signé récemment par le président américain Donald Trump, qui vise notamment le Tchad.
« Le Tchad n’a ni des avions à offrir, ni des milliards de dollars à donner mais le Tchad a sa dignité et sa fierté », a-t-il déclaré sur Facebook, déclenchant une salve de réactions diplomatiques à travers l’Afrique et au-delà.
Le décret Trump : douze pays dans le viseur
Le nouveau “travel ban” de l’administration Trump entrera en vigueur le 9 juin 2025. Il interdit aux ressortissants de douze pays d’entrer sur le territoire américain. Les pays concernés sont :
- Afrique : Tchad, République du Congo, Érythrée, Guinée équatoriale, Libye, Somalie, Soudan
- Moyen-Orient et Asie : Iran, Afghanistan, Birmanie, Yémen
- Caraïbes : Haïti
Officiellement, les raisons invoquées sont liées à la lutte contre le terrorisme, à l’instabilité politique et à la menace migratoire. Ce retour d’une politique migratoire stricte rappelle les mesures de 2017, surnommées à l’époque “Muslim Ban”, que la Cour suprême américaine avait validées en 2018. Ces dernières avaient été abrogées par Joe Biden en 2021, qui les qualifiait alors de « tache sur la conscience nationale ».
Le Tchad contre-attaque : une décision rare en Afrique
Face à cette nouvelle exclusion, le Tchad est devenu le premier pays africain à prendre une mesure de réciprocité. Le ministre tchadien des Affaires étrangères, Abdoulaye Sabre Fadoul, a exprimé sa stupéfaction :
« Nous sommes surpris par cette annonce, et encore plus par le motif lié au terrorisme, qui méconnaît totalement l’engagement du Tchad dans ce domaine. »
Le Tchad est considéré comme un allié clé des puissances occidentales dans la lutte contre le djihadisme au Sahel. La décision américaine est donc perçue comme un camouflet diplomatique par N’Djamena.
Réactions mitigées en Afrique et ailleurs
D’autres pays africains ont exprimé leur mécontentement ou leur surprise. La République du Congo a évoqué un « malentendu », tandis que l’Union africaine a exprimé sa « préoccupation face à une stigmatisation injustifiée de nations africaines ».
À l’inverse, la Somalie a choisi l’apaisement. Dans un communiqué, Dahir Hassan Abdi, ambassadeur somalien à Washington, a déclaré :
« La Somalie apprécie sa relation de longue date avec les États-Unis et est disposée à engager un dialogue pour répondre aux préoccupations soulevées. »
Le Venezuela s’en mêle : attaque frontale contre Washington
Réagissant à la même mesure, bien qu’il ne soit pas sur la liste noire, le ministre vénézuélien de l’Intérieur, Diosdado Cabello, proche du président Nicolás Maduro, a fustigé la politique américaine :
« Ceux qui gouvernent les États-Unis sont des fascistes, des suprémacistes qui croient posséder le monde et persécutent notre peuple sans raison. »
Il a également mis en garde les Vénézuéliens contre le danger de rester aux États-Unis, les exhortant à rentrer au pays selon reuters.
Haiti et la diaspora haïtienne en état d’alerte
Dans la liste des douze pays visés figure aussi Haïti, déjà frappé par une grave crise humanitaire et sécuritaire. Le pasteur Dieufort Fleurissaint, défenseur des droits des immigrants, a réagi dans le Boston Globe :
« Cibler les Haïtiens aujourd’hui, c’est ajouter de la souffrance à une population qui n’a plus de refuge. Haïti est un pays en crise : instabilité politique, violence armée, famine, déplacements massifs… »
En Janvier 2025, à sa sortie de Vatican, le conseiller Président Leslie Voltaire avait déjà exprimé ses craintes à Associated Press, lors d’une visite au Vatican. Il redoutait que la suspension de l’aide humanitaire américaine ne plonge Haïti dans le chaos. » Trump a dit qu’Haïti était un trou à rats, donc je ne pense pas qu’il s’en souciera. »
Le Ministère des Affaires étrangères (MAEC) a pris note de la décision américaine qui entrera en vigueur le 9 juin 2025. Tout en reconnaissant le droit souverain des États-Unis de contrôler leur politique migratoire, le MAEC exprime ses préoccupations face à l’impact de cette décision sur les familles haïtiennes et les relations extérieures d’Haïti.
Le ministère souligne que cette mesure intervient alors que le gouvernement haïtien s’efforce, avec l’aide de ses partenaires internationaux, de lutter contre l’insécurité croissante et de renforcer la sécurité aux frontières. Il réaffirme son engagement à poursuivre le dialogue et la coopération avec les autorités américaines, notamment dans le cadre de la « Déclaration de Los Angeles » sur une migration sûre, régulière et ordonnée.
La rédaction