Port-au-Prince, 4 juillet 2025 — Ce lundi 7 juillet, le Palais national a accueilli une messe de requiem en mémoire du président Jovenel Moïse, assassiné dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021. Conviés par le Secrétariat général de la Présidence, les membres du gouvernement, les représentants des institutions et les autorités du Conseil présidentiel de transition (CPT) étaient présents dès 8h30 pour cette cérémonie officielle au Champs de mars. Un champs de Mars déserté, un Palais National abandonné par le Conseil présidentiel de transition qui devait pourtant y siéger. La réalisation du requiem au Champs a-t-il été négocié ?
Tenue de ville sombre exigée, cravate noire de rigueur pour une commémoration qui continue de diviser. Une justice en difficulté même dans les plus simples faits. Qui a profané et avili le cadavre du Président Jovenel Moïse ?
Depuis deux ans, la famille immédiate du président, notamment son fils aîné Joverlein Moïse, ne participe plus aux messes officielles. Ce dernier, considéré comme le seul enfant actif et visible dans la quête de justice, a exprimé à plusieurs reprises son malaise face à ce qu’il qualifie de « mascarade républicaine ». Selon lui, les hommages publics se succèdent, mais l’enquête judiciaire piétine, et la vérité reste délibérément entravée.
« C’est l’État lui-même qui peine à regarder dans le miroir », a-t-il déclaré dans un récent message diffusé sur les réseaux sociaux.
Cette année, plusieurs membres du CPT, dont certains furent farouchement opposés à Jovenel Moïse de son vivant, affichent une volonté marquée de commémorer sa mémoire avec solennité. Une position que d’aucuns jugent opportuniste, mais que d’autres interprètent comme un devoir constitutionnel de respect envers un ancien chef d’État tombé en fonction.
Ironie de l’histoire, les adversaires d’hier deviennent aujourd’hui les plus zélés organisateurs de la mémoire présidentielle.
Quatre ans après les faits, aucune condamnation définitive n’a été prononcée. L’ordonnance du juge Walter Voltaire a pourtant pointé nommément plusieurs figures : Martine Moïse, la veuve ; Claude Joseph, ancien Premier ministre ; Léon Charles, ex-DG de la PNH ; Reynald Lubérice, ex-secrétaire général du Conseil des ministres… Tous continuent de vaquer librement à leurs occupations.
Parallèlement, les États-Unis ont extradé certains suspects clés, mais de nombreux acteurs restent en cavale, à l’instar de Dimitri Hérard, ancien commandant de l’USGPN, qui depuis l’extérieur multiplie les interviews.
Dans ses récentes déclarations sur Youtube Hérard rejette toute responsabilité directe dans le drame, reconnaissant uniquement des failles administratives. Il s’interroge toutefois publiquement :
« Pourquoi suis-je le seul emprisonné, alors que ceux de mon unité, présents sur les lieux le soir de l’assassinat, n’ont jamais été inquiétés ? »
Une question qui rejoint celles posées depuis 2021 : où étaient les services de renseignement ? Où était la PNH ? Pourquoi cette facilité avec laquelle une équipe armée a pu atteindre le président dans sa chambre à coucher chez lui, sans résistance ? Où étaient les amis de Jovenel ? Où étaient les amis de Martine Moïse ? Pourquoi personne n’a voulu sauver le Président.
Les incohérences abondent. Les Colombiens arrêtés dans le cadre de l’affaire continuent de clamer qu’ils sont des boucs émissaires d’un complot bien plus large. La thèse d’un crime politique orchestré à plusieurs niveaux — local, économique, et géopolitique — reste sur la table.
Pendant ce temps, des figures stratégiques du pouvoir de l’époque affichent aujourd’hui le portrait officiel de Jovenel Moïse dans leurs bureaux. Geste sincère ou récupération symbolique ? Difficile à dire. Mais l’absence de justice fait naître un malaise latent, même dans les plus hautes sphères.
Jovenel Moïse semble n’avoir, aujourd’hui encore, qu’un seul défenseur actif : Joverlein Moïse, son fils aîné. Selon ses propres témoignages, il aurait été pris pour cible le jour même du 7 juillet 2021, en route pour se réfugier à l’Ambassade américaine. Les autres enfants du président, tous majeurs, gardent le silence.
La question demeure : pourquoi ce mutisme, alors que le pays s’interroge encore sur les responsabilités du drame ? Pourquoi ce vide dans l’espace public, là où la vérité peine déjà à émerger ?
Si l’ombre d’une oligarchie puissante plane toujours dans les conversations, rien n’a été établi formellement. Ni les proches du président, ni les autorités haïtiennes ou étrangères, n’ont pu offrir une lecture claire et cohérente des faits.
Trop de personnes semblaient avoir un mobile pour souhaiter la disparition de Jovenel Moïse, trop de silences et de contradictions subsistent pour espérer une justice rapide.
Quatre ans après l’assassinat, la messe aura donc bien lieu. Mais pour une large partie de l’opinion, ce n’est plus à l’autel qu’on attend des réponses, mais dans les salles d’audience.
Ce 7 Juillet 2025, l’Etat haïtien qui fuit le champ de Mars a t’il négocié avec les gangs armés qui contrôlent la zone ?
Tant que la lumière ne sera pas faite, le souvenir de Jovenel Moïse restera un dossier à charge contre l’État de droit en Haïti , incapable, pour l’instant, de prouver qu’il peut protéger ceux qu’il élève au plus haut sommet.
La rédaction


